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Cas Pascal Soret: la France doit revoir le principe de non-extradition

S’il est vrai que les Comores et la France sont des partenaires apparemment liés par l’histoire et même la binationalité, on ne comprendrait pas qu’une alliance franco-comorienne s’établisse pour la coopération culturelle, mais qu’elle disparaisse lorsque les travers sexuels et criminels commis par un membre du personnel de cette même alliance imposent une coopération judiciaire.

Pascal Soret est le principal protagoniste de l’affaire des sextapes de l’alliance française de Mohéli. https://www.comoresinfos.net/pascal-solet-qui-a-abuse-de-20-jeunes-filles-recherche/

Il est de nationalité française et se trouve actuellement dans son pays d’origine, la France. La question se pose de savoir si les Comores peuvent obtenir de la France, l’extradition de l’ancien enseignant. La réponse à cette question semble relever de l’évidence. Elle a été maintes fois répétée de manière lapidaire partout : la France n’extrade pas ses nationaux. Il est intéressant de revenir brièvement sur les grandes lignes de ce principe de non-extradition des nationaux.

La non-extradition, une pratique bien établie en France

Il s’agit d’un principe bien établi dans la pratique en France depuis 1820. Mais, il ne sera confirmé dans une loi française qu’en 1927. Aujourd’hui, ce principe est explicitement posé par le Code de procédure pénal français. Il prévoit que l’extradition n’est pas accordée (…) lorsque la personne réclamée a la nationalité française » (art. 696-4). Cette interdiction d’extradition est à ce point stricte qu’elle s’impose même si la personne concernée décidait de ne pas en bénéficier. Plusieurs raisons sont avancées pour justifier le principe de non-extradition des nationaux. D’abord, c’est une question de puissance de l’État qui s’accommode mal avec l’extradition car c’est laisser à une autorité étrangère l’exercice de la contrainte, parfois de corps, contre ses citoyens à qui on doit pourtant une protection. Ensuite, le principe de non-extradition est censé préserver les intérêts du justiciable en lui assurant d’être jugé par une justice dont il connait la langue et la législation. Il permet de lui éviter d’avoir à traiter avec une justice éventuellement partiale et défaillante. Mais s’il est à ce point ancré, le principe semble destiner à s’essouffler et les signes sont là pour montrer qu’il est dépassable même dans le cas de Pascal Soret et la divulgation litigieuse de ses vidéos. On apprend que la justice française a lancé un avis de recherche.

Il faut rappeler qu’en réalité, historiquement, le droit français a d’abord reconnu l’inverse. Un décret de 1811 établissait la possibilité d’extrader les citoyens français si les faits reprochés étaient graves. L’extradition des nationaux a d’ailleurs était pratiquée plus d’une décennie durant. En outre, ce principe n’est pas universel. Plusieurs pays, essentiellement anglo-saxons, acceptent d’extrader leurs citoyens. Par ailleurs, les justifications sont fragiles. Grâce à la protection consulaire, la France peut très bien extrader la personne et assurer sa défense dans le pays demandeur. Enfin, ce principe présente des inconvénients pour une bonne administration de la justice. Il est évident que les autorités sur le territoire où l’infraction a été commise sont les plus à même de juger. Elles vivent la matérialité des faits, ont accès aux personnes concernées et peuvent diligenter toutes les investigations nécessaires sur place. Sans compter que la non-extradition des nationaux représente également un moyen d’échapper à la loi pénale des États touchés et à favoriser l’impunité. La courtoisie et l’humilité devraient concourir à donner du crédit à la justice d’un pays ami, d’ailleurs le principe de non-extradition des nationaux a complètement disparu entre États européens.

 

À l’heure où la criminalité est transfrontalière, ce principe n’est pas toujours justifié. Il l’est moins encore dans un contexte franco-comorien. S’il est vrai que nos deux pays sont des partenaires apparemment liés par l’histoire et même la binationalité, on ne comprendrait pas qu’une alliance franco-comorienne s’établisse pour la coopération culturelle, mais qu’elle disparaisse lorsque les travers sexuels et criminels commis par un membre du personnel de cette même alliance imposent une coopération judiciaire.

 

Mohamed Rafsandjani

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