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Les Comores en 3ème position des pays africains les moins endettés: faut-il célébrer ou s’en inquièter ?

Les Comores ont été classé troisième dans le peloton de queues des pays les moins endettés en Afrique selon les dernières statistiques du FMI. La dette publique signifie à titre d’information, l’ensemble des emprunts en cours d’un Etat. Si « moins de dette » laisse donner l’impression d’une bonne gestion des finances publiques, le rang des Comores sur ce classement est quand même un élément révélateur d’un pays en manque de crédibilité économique.

Parmi les raisons de ce manque de crédibilité économique, nous pouvons citer d’abord l’absence d’un programme fort, ambitieux et durable, la méfiance des bailleurs en raison d’une instabilité politique chronique, l’absence d’efforts de mobilisation financière, et enfin la faible capacité d’absorption des financements promis.

De prime abord, les Comores manquent des programmes ambitieux orientés vers le long terme pour convaincre et séduire les bailleurs internationaux. Ils sont à compter du doigt les ministères qui peuvent se targuer de disposer des projets bien ficelés, chiffrés susceptibles de simuler l’appui financier. Pourtant, quand on prête un pays, on cherche pas seulement à évaluer le risque du non remboursement mais aussi et surtout le bien-fondé de leur programme de gouvernance. Ce sont souvent les pays qui présentent des facteurs de croissance et perspective économiques forts, durables et ambitieux qui sont privilégiés. Pour comprendre, méditez ce classement et demandez-vous pourquoi le deuxième pays le plus riche d’Afrique à savoir l’Afrique du sud est paradoxalement l’un des pays le plus endettés ( 40éme sur 54 pays ) du continent. L’adage selon laquelle les banques ne prêtent qu’aux plus riches s’applique d’ailleurs sur ce cas.

A cela s’ajoute aussi la méfiance des bailleurs internatiaux en raison de notre instabilité politique chronique.

Les banques ont tendance à accorder de l’argent à des pays politiquement stables, où la continuité de l’Etat est l’apanage des autorités politiques. Sinon comment les convaincre à financer des projets à coup des millions de dollars alors qu’ils seront ensuite abandonnés après un changement de régime? C’est beau aussi de convoquer des partenaires pour vendre la destination Comores comme terre d’investissement, faut-il encore avoir le courage de soutenir les projets en cours, laissés par ses prédécesseurs. Regardez où sommes-nous avec le projet de pêche laissé aujourd’hui à l’abandon par manque de continuité politique pour ne citer que celui-ci. Cette obsession de nos autorités publiques à enterrer dans des tiroirs les projets de leurs adversaires au grand privilège de leurs projets respectifs font perdre notre confiance auprès des institutions financières internationales.

Au delà de l’instabilité politique chronique, il y a lieu de parler aussi de l’impuissance et la non-compétitivité de notre pays sur la scène économique internationale.

Nos autorités obéissent à un système de mendicité depuis des décennies. Ce système, il faut croiser les bras et attendre les aides de nos partenaires au premier plan l’Arabie-Saoudite pendant que d’autres pays s’accrochent et se bousculent dans les couloirs des banques internationales. A défaut de partir à la conquête des financements sur le marché financier, c’est ce dernier qui vient parfois frapper nos portes. Et c’est un cas à haut risque car il fixe lui même les conditions et modalités en privilégiant d’abord ses intérêts. Il suffit de remonter en 2012 pour comprendre lorsque L’Inde avait prêté aux Comores 41 million de dollars à travers l’Exim-bank pour la construction d’une centrale au fioul lourd d’une puissance de 18 mégawatts. L’Inde exigeait dès lors que tous les matériaux nécessaires à la concrétisation de ce projet soient achetés dans son pays. Il a sommé aussi la partie comorienne de céder les travaux de génie civil et celui de l’électromécanique exclusivement à des sociétés indiennes. Aujourd’hui, les travaux sont à l’arrêt à cause d’un conflit entre Exim Bank Inde et la société chargée de la construction de la centrale. Les Comores sont entre le marteau et l’enclume face à ce scandale, c’est à dire entre dénoncer le non-respect du contrat au risque de froisser un partenaire aussi important qu’est l’Inde ou se taire et rembourser une dette des travaux non effectués.

Si nous citons l’impuissance et la non-compétitivité de notre pays sur la scène économique internationale, pourquoi ne pas évoquer notre faible capacité d’absorption financière?

L’histoire est témoin de l’échec de nos stratégies de suivi pour capter des financements promis par des banques ou autres bailleurs internationaux. De la conférence de bailleurs de fonds à Maurice, en passant par Doha jusqu’à récemment à Paris, c’est toujours le même résultat. Le montant des fonds versés, a toujours été nettement inférieur à celui des engagements pris. Prenons l’exemple du conférence de Doha annoncée comme la baguette magique pour faire sortir les Comores du marasme économique. Les bailleurs avaient promis 540 millions de dollars d’aide et de financement de projets de développement sur cinq ans. Malheureusement, nous avons été inaptes à mobiliser ce financement et tout porte à croire qu’on est pas prêt à en tirer les leçons du passé. Lors de la conférence des partenaires au développement des Comores (CPAD), 4,3 milliards dont 2.8 milliards qui doivent provenir du secteur privé ont été annoncé. Mais sur le document, force est de constater que le 1milliard € du secteur privé est promis par une entreprise fictive n’ayant pas de nom si ce n’est qu’elle travaille avec Airbus.

L’ensemble de ces échecs n’est pas de nature à créditer notre pays auprès des bailleurs internationales. Les approches de financement traditionnelles, telles que l’aide publique au développement et la mobilisation des ressources intérieures sont nécessaires mais pas efficaces. Il y’a lieu aujourd’hui de se remettre en question, revoir notre diplomatie économique et insuffler une nouvelle dynamique pour permettre les Comores de faire face à ses défis économiques.

 


Abdoulghani Mohamed Kafi, Fondateur de Comoropreneuriat (premier site comorien dédié à l’entrepreneuriat) & Manager de l’équipe.

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