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La libération de Salami : un enjeu décisif

Opinion libre: Le gouverneur de Dzuwani est maintenant « sécurisé ». Le ministre de l’intérieur l’avait désigné comme le commanditaire de l’insurrection dès le début des tirs. Deux jours après l’accalmie, le président confirme l’accusation : « qu’il y ait des hommes politiques qui soutiennent ces choses-là, c’est regrettable» . (interview dans la médina le 23/10/2018 diffusé dans Habarizacomores.com). Et bien évidement la justice suit. On apprend (Masiwa n°124 du 24/10/2018). que le Dr Salami sera déferré devant la Cour de Sûreté de l’État. Le Procureur de la République qui officie aussi à la Cour Suprême a retenu sept chefs d’inculpation « meurtre, sécession, entrave à la circulation, coups et blessures volontaires, incitation à la violence, et port illégal d’armes » Pas moins. Il risque donc la peine de mort. Incroyable mais vrai !

Le Président Azali vient de franchir un grand pas dans sa conquête du pouvoir absolu. Parvenir à mettre hors jeu le Dr Salami, celui qui s’obstinait à s’opposer à ses desseins présidentiels, celui qui faisait preuve de tant d’intelligence et de fermeté, celui qui hantait ses nuits, est une grande victoire. D’autant que ce qu’il craignait ne s’est pas produit : un soulèvement populaire des administrés du Gouverneur de Dzuwani.

La dérive dictatoriale vient elle aussi de franchir un pallier : la procédure d’arrestation d’un Gouverneur, une Institution fondamentale du pays. On a vu un ancien Président du pays privé de liberté par un simple acte administratif d’un fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur. On a vu une série de dirigeants politiques (Barwane, Mahamoud Elarif, etc.) se faire arrêter sur simple indexation du Ministre de l’Intérieur. Cela est extrêmement grave mais il ne s’agissait que de simples citoyens. Aujourd’hui, on touche, sans la moindre circonspection, une autorité de l’État, un Gouverneur. Il n’y a plus de limite ! Et le Procureur de la République y va de sa bénédiction : un Gouverneur ne bénéficie pas d’immunité !?

Il faudra maintenant s’attendre à l’arrestation du Gouverneur de Gazidja. Car Hassani Hamadi est enfin sorti du silence le 23/10/2018. Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Dans sa conférence de presse (Masiwa n°124 du 24/10/2018) il dénonce la voie suivie par Azali, il rejette le référendum, il proclame qu’en 2021 le pouvoir ira à Dzuwani. Il exige la libération immédiate et inconditionnelle du Dr Salami. Il se dit prêt aux plus grands sacrifices pour défendre son serment de respecter la Constitution de 2001. Hassani Hamadi devient donc le nouveau obstacle à balayer et il le sera si on laisse faire.

Le passé récent doit nous instruire. Le pouvoir trouvera une façon de lui coller une « affaire », de s’en saisir comme prétexte et le mettre hors jeu. Sans une large mobilisation pour faire échec à Azali, Hasani Hamadi ira lui aussi, grossir les rangs des « vrai-faux » prisonniers politiques qui croupissent dans les geôles malfamés du pays..

Faire échec à Azali c’est obtenir la libération immédiate du Dr Salami. Elle devient donc un enjeu décisif : stopper la dynamique infernale initiée par Azali ou basculer dans une sorte de monarchie absolue. Il faut faire comprendre au Président Azali qu’il doit renoncer à ses ambitions démesurées, que son mandat se termine en 2021, qu’il doit s’en contenter. Sinon il mènera le pays dans un abîme que personne ne peut décrire pour l’instant.

Pour sortir par le haut de la crise actuelle, il faut que le dialogue inter comorien sous le parrainage de l’Union Africaine reprenne sous un autre format. Il doit impliquer l’État, les gouvernorats, les partis politiques, les syndicats (travailleurs et patrons) et des forces indépendantes de la société civile. Ce dialogue doit se hisser au niveau d’une conférence nationale susceptible de colmater toutes les brèches du navire Comores.

Idriss Mohamed

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