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«La justice des prisonniers politiques conduira le pays à l’apaisement»

Après le décret portant création d’une coordination pour le dialogue national, les politiques se prononcent et expriment leurs points de vue. De cette foulée, Said Ahmed Said Abdillah a accepté de répondre à nos questions.

Quelles sont vos impressions suite à la création de la coordination du dialogue national par décret présidentiel ?

Dès le début du lancement de l’idée du dialogue national, j’ai dit qu’il n’a pas de sens, ni d’intérêt et surtout ne constitue pas une solution aux différentes crises sociales, économiques et politiques qui frappent notre pays. Je le dis et je risque de me répéter que nous avions fait les assises nationales dont les participants ont été choisis et nommés par des décrets présidentiels. Les participants à ces assises font partie de nos meilleurs cadres et ils ont pondu un document regroupant plusieurs recommandations dans les domaines social, économique et politique dont l’amélioration de nos institutions. Nos dirigeants actuels qui avaient financé à plusieurs millions de francs, avaient mobilisé le peuple comorien, n’ont rien appliqué de ces recommandations que la modification de notre constitution. C’était le plus urgent et important pour nos dirigeants actuels et les restes sont classés sans suite. C’est comme un malade atteint d’un cancer bénigne – cancer localisé qui ne se propage à d’autres organes – que le cancérologue vient de lui prescrire une liste des plusieurs médicaments dont des antalgiques- médicaments soulageant les douleurs – et s’étonne après quelques années que le cancer au lieu d’être guéri ou rester bénigne est devenu métastatique. La maladie est devenue mortelle en atteignant d’autres organes. Il avait oublié que les antalgiques sont utilisés pour de traitement symptomatique et non étiologique c’est-à-dire guérissant la maladie. Les comoriens sont fatigués, appauvris, apeurés par l’insécurité et les misères quotidiens et à peine cette semaine, on nous dit qu’il y a au moins vingt personnes qui sont morts en tentant d’aller à Mayotte, juste fuir un pays en paix mais dont l’avenir est incertain.

Que préconisez-vous à la place du dialogue national ?

Nous osons encore espérer que le chef de l’Etat se révise et agit dans la politique d’apaisement. Il est mieux placé pour savoir pourquoi on est arrivé à cette situation. Si vraiment le chef de l’Etat veut un dialogue national inclusif, il devrait former un gouvernement d’union nationale. Un gouvernement qui aura le pouvoir de gouverner, d’unir les enfants des Comores pour sauver le pays de l’État dans lequel il est tombé. Comme dit l’ancien président sud-africain Nelson Mandela : « Nous savons bien que nul d’entre nous agissant seul, ne peut obtenir la réussite. ». C’est en unissant les enfants des Comores du pouvoir et de l’opposition qu’il pourra les lancer dans une politique d’apaisement. Il faudra aussi qu’il nomme au sein de cette coordination du dialogue national, trois juges avec des pouvoirs spéciaux dont le premier sera chargé des dossiers des prisonniers dites politiques tels que l’ancien président Sambi, l’ancien gouverneur d’Anjouan Dr Salami et d’autres. Nous ne demandons pas qu’ils soient graciés par le chef de l’Etat. Gracier des hommes emprisonnés pendant plusieurs années sans jugement préalable risque de continuer à camoufler la vérité. Ils méritent d’être jugés pour que chaque comorien sache la raison de leurs détentions- s’ils sont coupables ou non – et cela évite de stimuler les idées séparatistes. Le deuxième juge sera chargé des dossiers des personnes qui sont mortes brutalement dans un, de nos camps militaires et aucune enquête n’est engagée par la justice nationale comorien comme le Commandant Fayçoil et Moutu. Les Comoriens doivent savoir pourquoi au sein d’un camp militaire, il a eu des morts et personne ne sait qui les a tués et les mobiles de leurs assassinats. Ce sont des enfants comoriens, leurs familles, leurs villes, leurs régions et le peuple comorien se demandent toujours les raisons de leurs morts. Nous ne devons pas faire semblant qu’il n’y a rien or le feu couve au fond de nous–même. C’est en prenant connaissance de ses différentes vérités que l’apaisement peut naître au sein de la population. Le troisième aura comme charge les dossiers de détournements des deniers publics dans nos sociétés d’État. Nous savons que la plupart de nos sociétés d’État, y compris Comores Telecom, Hydrocarbures et Onicor sont en quasi faillite. C’est en rendant justice aux uns et aux autres que le pays pourra connaître l’apaisement.

Qu’en dites-vous de la tournée de Youssouf Mohamed Boina en France ?

J’ai beaucoup de respect et de considération envers la personne mais il nous a permis de savoir la faiblesse de l’opposition à l’intérieur qu’à l’extérieur. Dans un monde où tout un chacun peut devenir guide voire chef pourvu qu’il ait osé, à certaines occasions, braver les autorités nationales par des actes héroïques mais considérées comme inodore et incolore.

L’opposition de l’extérieur au sein de la diaspora, parle-t-elle d’une victoire contre Azali ?

Cela me parait surprenant car rien n’a changé auprès d’Azali Assoumani ni dans son gouvernement. Il n’a pas aussi pu profiter de son aura et de son voyage pour unifier l’opposition de l’intérieur à celle de l’extérieur. La politique est cruelle et concrète, il faut du résultat pour apprécier la valeur d’une action. Il a peut-être pu rassembler de foules dans ses déplacements mais pour quel résultat ? C’est à l’aune du résultat qu’on peut apprécier la valeur d’une action politique.

Propos recueillis par KDBA / al fajr

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