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Il était une fois un conseiller privé très public…

Au-delà d’être le fils de son père, situation dont on ne peut lui faire aucun reproche, Nour El
Fath Azali a une particularité qui attise la curiosité du constitutionnaliste : il est très au-
devant de la scène. C’est cette activité publique qui interroge au regard du fonctionnement
des institutions. Précisément, ce qui pose problème c’est que certaines de ses apparitions
publiques correspondent à des moments décisifs associés à la conduite de la politique de la
Nation. On peut s’en tenir ici à deux exemples récents, l’annonce de la subvention de la
baguette et celle du riz.

Aux Comores, s’il est un corps de métier qui ne connait pas la crise, c’est bien celui de
conseiller ou collaborateur du Président. La générosité ce dernier est à cet égard sans
limites puisque s’autorisant même des accumulations. C’est ainsi qu’en plus d’avoir déjà un
conseiller juridique, le Président s’est assuré les services d’un consultant juridique. C’est
ainsi également qu’il a ajouté à son cabinet un chef de la communication où il disposait déjà
d’un coordinateur de la communication. Mais parmi tous, il en est un qui est manifestement
un brin particulier et ce, à plus d’un titre. Il s’agit du conseiller privé du Président de
l’Union : Nour El Fath Azali.
Au-delà d’être le fils de son père, situation dont on ne peut lui faire aucun reproche, Nour El
Fath Azali a une particularité qui attise la curiosité du constitutionnaliste : il est très au-
devant de la scène. C’est cette activité publique qui interroge au regard du fonctionnement
des institutions. Précisément, ce qui pose problème c’est que certaines de ses apparitions
publiques correspondent à des moments décisifs associés à la conduite de la politique de la
Nation. On peut s’en tenir ici à deux exemples récents.
Le 21 juin 2022, le Gouvernement s’engage à subventionner l’industrie du pain afin de
contenir le prix de la baguette. Parmi les signataires du côté de l’État se trouvaient le
Ministre de l’économie et le conseiller privé du Président.
Le 13 juillet 2022, pour annoncer la hausse retenue pour le prix du riz, trois ministres se
présentent à la presse mais accompagnés encore du conseiller privé du Président. La
difficulté ressort du fait que ces deux cas correspondent à la manifestation d’une des
missions classiques du pouvoir exécutif, à savoir déterminer et conduire la politique de la
Nation. Or, pour la Constitution, le pouvoir exécutif est composé de deux entités
seulement : le Président de l’Union et le Gouvernement de l’Union. Il ne s’agit pas d’un
privilège mais d’une charge qui leur incombe. Ainsi, s’ils peuvent s’engager auprès des
partenaires, décider au nom de la Nation et s’imposer aux citoyens, c’est parce qu’ils en ont
reçue l’habilitation par la Constitution et qu’ils devront rendre des comptes.
Un conseiller du président, quel qu’il soit, n’est pas un pouvoir public constitutionnel.
D’ailleurs, gageons que Nour El Fath Azali en a parfaitement connaissance lui qui a jadis si
justement décrit son travail. Il expliquait en effet à Al-Watwan que sa « mission première est
de conseiller le président de la République ». Au journal la Gazette, il ajoutait que face aux
doléances, il se devait « d’orienter les demandes vers les responsables habilitées et

autorisées à y répondre ». Aucun manuel de droit public n’aurait su si bien décrire la
fonction qu’il occupe.
Finalement, s’il y a un enseignement à tirer, c’est qu’à chaque fois que la Constitution
accorde une prérogative, c’est pour identifier un responsable. La forfaiture qui a frappé la
République, depuis 2018, a beaucoup innové mais toujours est-il qu’un conseiller conseille
uniquement. Il ne peut enclencher aucune initiative, prendre aucune décision ou concéder
aucun engagement. Il y a un dysfonctionnement des institutions, lorsqu’un conseiller pose
sa signature pour lier l’État ou lorsqu’il exprime publiquement une décision qualifiée
d’interministérielle surtout si c’est pour annoncer l’affectation du budget de l’État à la
création d’un fond de subvention. Le comble dans cela, c’est qu’il est difficile de lui en
vouloir vu que même pour les ministres à ses côtés, une telle décision financière outrepasse
de toute façon leur compétence car seul le législateur adopte le budget et alloue les crédits.
Le conseiller n’est pas le gouvernement, le gouvernement n’est pas le parlement.


Mohamed Rafsandjani

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