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Douanes comoriennes I Le directeur général veut une douane «en harmonie avec son temps»

Les douanes comoriennes célèbrent ce matin la Journée mondiale des douanes en mettant en avant les efforts déployés pour renforcer la coopération et le partage d’informations, ainsi que l’amélioration de l’image de la profession. Pour la circonstance, Moustoifa Hassani Mohamed, directeur général des douanes nous a accordé une interview où il revient notamment sur les réformes de l’institution. Des défis tels que les infractions douanières, les coûts de dédouanement élevés et l’harmonisation des taxes connexes sont à surmonter, apprend-on. Des mesures ont été mises en place pour lutter contre les infractions, et la Douane travaille également en étroite collaboration avec les services douaniers régionaux pour renforcer la sécurité des échanges commerciaux et protéger les intérêts économiques du pays. Les recettes, elles, sont passées à 26 milliards de francs en 2022.
 
 

 

Cette année est placée sous le thème “l’accompagnement de la nouvelle génération : promouvoir le partage des connaissances et renforcer la fierté de la profession douanière”. Quelle signification accordez-vous à cette thématique ? Quelle est sa spécificité aux Comores ?


C’est une journée très importante pour nous les douaniers, car elle signifie la création du conseil de coopération douanière au début des années 1950. Elle est appelée Organisation mondiale des douanes (Omd) et comporte 184 pays membres. En présence du chef de l’État et de notre ministre de tutelle, celui des finances, nous allons célébrer cette journée après deux ans de silence. Le thème de cette année est dédié à la jeunesse qu’il nous faut accompagner. Pour la circonstance, nous avons prévu de distinguer de nombreux acteurs du secteur et il ne s’agit pas que des douaniers. Les opérateurs économiques sont notamment concernés. Pour ce qui est de nos agents, nous comptons honorer certains jeunes qui ont marqué l’année 2022, surtout en matière de réussite et de partage de connaissances dans leurs services respectifs.

Vous êtes à la tête des douanes depuis fin 2021. Quelles sont, sommairement, les réformes que vous avez menées ces deux dernières années ?


Les entreprises demandent à faciliter les démarches et les procédures douanières liées aux échanges commerciaux. Ces réformes ont été intégrées suite aux recommandations du chef de l’État et en collaboration avec les différents partenaires au développement. L’une des principales réformes mises en place est le paiement électronique des droits et taxes douanières. Cela permet aux entreprises de réaliser les paiements de manière plus rapide et plus efficace. La refonte de la profession des auxiliaires en douane est également en cours. La refonte de leur profession vise à les rendre plus compétents et plus efficaces pour les entreprises qui en ont besoin. Un autre changement important est l’introduction du manifeste électronique, qui permet aux entreprises de déclarer les marchandises qu’elles importent ou exportent de manière plus rapide et plus efficace. Cela aide les douanes à surveiller les échanges commerciaux et à lutter contre la contrebande et la fraude. Enfin, le renforcement des capacités est aussi un aspect clé de ces réformes.

Les douanes bénéficient de formation et d’outils pour améliorer leur performance et leur efficacité dans la gestion des échanges commerciaux. Tout cela contribue à une meilleure fluidité des échanges commerciaux, une réduction des coûts pour les entreprises et une amélioration de la sécurité et de la sûreté des frontières. Et je tiens à souligner que ces efforts et ces initiatives ont permis, malgré les différentes crises, à la douane d’augmenter ses recettes. Au niveau des recettes douanières hors taxes uniques, nous avions des prévisions (Loi des finances) de 23 milliards, nous en avons obtenu un peu plus de 26 milliards de francs comoriens. Soit, 111 % de taux de réalisation. Pour ce qui est des recettes de la taxe unique (taxe d’importation des produits pétroliers), nous sommes à six milliards au lieu des neuf envisagés, mais plusieurs facteurs qui ne dépendent pas de nous entrent en jeu. Enfin, les recettes douanières de la taxe unique du riz ordinaire, à cause de l’exonération de mois d’aout à décembre 2022, nous n’avons pu obtenir que 961 millions au lieu des deux milliards visés.

Les opérateurs économiques parlent d’un diktat au sujet de la valeur transactionnelle. Certes, les taux n’ont pas changé mais la valeur transactionnelle a un impact sur le portefeuille des opérateurs. Que faire pour alléger les coûts de dédouanement des produits et marchandises ?


Il n’y a pas de diktat à la douane en matière de valeur transactionnelle. La valeur des produits est souvent négociée et c’est normal, mais certains individus utilisent de fausses factures pour tromper les autorités douanières. Cela pose un problème pour les services de la douane qui ont pour mission de redresser la balance en utilisant des documents fiables pour déterminer la valeur des produits importés. Comment comprendre que trois commerçants important dans le même pays, achetant le même produit chez le même fournisseur au même moment, aient trois prix différents ? Cela veut simplement dire que les documents qu’on nous soumet ne sont pas fiables. Je ne dis pas que les commerçants sont tous pareils, mais il y en a qui veulent passer entre les mailles du filet. Cela nous pose un problème dans cette valeur transactionnelle. Ils utilisent des documents non fiables et nous essayons de redresser la balance. Continuellement, de nombreux importateurs importent le même produit, chez le même fournisseur, et il y a plusieurs factures différentes. Il y a un service de valeur qui doit, entre autres lutter contre ces pratiques et cela aura forcément un impact sur nos activités. Il y a aussi plusieurs initiatives qui vont dans le sens des allègements autant des procédures que des coûts.

Quelle est la situation actuelle des infractions douanières (contrebande, fraude, etc.) et quelles mesures avez-vous mises en place pour les combattre ?


Nous rappelons que ce sont des infractions de droit commun et donc sanctionnées par le Code pénal. En plus de cela, il y a des amendes mises en place contre les fraudeurs notamment. Déclarer de faux documents ou faire des sous-évaluations est sanctionné par la loi et nos textes en interne. Cette mission passe aussi par le renforcement de nos compétences et notre personnel en matière de formations. C’est d’ailleurs un de nos axes prioritaires. Il y a également le scanner à conteneurs qui est opérationnel. Pour l’instant, c’est seulement à Moroni, mais des projets sont en cours pour que Mutsamudu, entre autres, en dispose aussi. Avec le scanner, nous gagnons un temps conséquent et a un impact certain sur la qualité de l’inspection. Dans le même temps, nous utilisons des lecteurs de code barre, ce qui permet de confronter les marchandises à la déclaration en douane dans le système Sydonia World.

Pouvez-vous nous donner des chiffres sur les facilitations des échanges commerciaux et les services douaniers améliorés pour les entreprises locales ?


Tout cela fait partie des réformes qui ont été prises ces dernières années et qui continuent jusqu’à aujourd’hui pour faciliter le travail des importateurs et des opérateurs économiques. Parmi elles, l’administration des douanes a toujours accompagné les opérateurs économiques du pays, surtout durant la période de la Covid. Il y a la facilité d’enlèvement des marchandises. Durant la Covid il y a eu un arrêté, en avril 2020, qui avait donné une certaine facilitation aux opérateurs afin qu’ils bénéficient d’une marge de 30 %, c’est-à-dire un abattement de 30 % des droits et taxes dus. Elle a pris fin en décembre 2020. Il y a également l’enlèvement des marchandises qui sont sous déclaration IM9 (enlèvement provisoire). Ça concerne les produits carnets, produits périssables ; ça leur permet d’enlever ces marchandises contre une caution et les régulariser dans les jours qui suivent. Il y a les dépotages à domicile. Ça concerne les produits homogènes, périssables… Les conteneurs à diverses marchandises, c’est très rare. Les aides humanitaires sont aussi concernées, entre autres.

Comment assurez-vous la transparence et la responsabilité des opérations douanières et comment vérifiez-vous cela? Il était question de mettre en place « un comité de valeur » pour assurer la transparence des opérations. Où en est-on ? Qu’en est-il du projet de guichet unique ?


Les dépotages à domiciles, les conteneurs passent au scanner, si les marchandises sont conformes. Dès fois, quand nous avons des doutes, nous vérifions sur place. On peut aussi faire suivre et un agent assiste au dépotage à domicile. À Ndzuani, où il n’y a pas de scanners, ce sont également des agents de brigade qui suivent le conteneur. Le guichet unique a été créé et nous avons quatre agences qui y sont connectées : Anpi, service des mines et des travaux publics, Inrape et l’Anamev. Nous venons de signer un protocole d’accord avec l’Anrtic. Elle va rejoindre le guichet unique, elle aussi, tout comme l’Agence nationale des produits de rente, le laboratoire national des travaux publics, mais sur le côté technique, ces agences ne sont pas encore prêtes. Nous avons par ailleurs des négociations avec l’Agid afin de faire une interconnexion entre le Sydonia et le Système intégré de gestion des impôts et taxes (Sigit) pour faciliter les échanges des données. Il y a beaucoup d’informel, et il faut y mettre de l’ordre. Si ces gens ne sont pas déclarés, c’est l’État qui perd. Nous allons généraliser le guichet unique vers d’autres entités nationales. Ça va faciliter les démarches des usagers.

Des usagers estiment que les taxes connexes exigées par les autres services qui opèrent dans les centres douaniers (Inrape, Apc par exemple) obligent les opérateurs à les faire répercuter sur les consommateurs. Comment harmoniser ces taxes et les rendre plus soutenables chez les opérateurs ?


Cela peut se faire, mais ça ne relève pas de notre compétence. Les taxes de la douane, ce sont seulement les droits des taxes et la redevance. Les autres taxes sont collectées à la douane, mais ne bénéficient pas à la douane. Pour le moment, il n’y a pas eu un processus de taxation commune. Je pense que le démentellement de ces taxes du cordon douanier sera fait avec le processus d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Il faut noter que cela aura un impact sur les recettes. Ces taxes sont généralement utilisées pour financer les dépenses de l’État ou pour soutenir l’économie.

Comment la douane comorienne travaille-t-elle avec les services douaniers régionaux et internationaux pour renforcer la sécurité des échanges commerciaux et protéger les intérêts économiques du pays ?

Au niveau régional, nous avons une coopération d’échanges avec les douanes malgaches. On échange beaucoup surtout dans le cadre des sorties frauduleuses de certains locaux qui ne sont pas censés quitter le territoire malgache. Nous avons aussi des accords avec des îles de l’Océan Indien. Il y a une lettre d’intention entre les douanes des îles de l’océan Indien pour partager des informations dans la lutte contre la fraude notamment. Cela permet de mieux déployer les efforts pour protéger les intérêts de tous les pays de la région. Pour les autres pays, nous sommes juste des membres.

Abdallah Mzembaba Al-watwan

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