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2018 : une année noire pour le droit comorien !

L’année 2018 demeurera dans les annales de l’ histoire comment étant, une année noire pour le droit comorien. Tout au long de l’année, plusieurs lois en vigueur ont été constamment contournées, écartées, violées, voire contredites par des normes inferieures. Ceux et celles qui sont censés appliquer et faire respecter la loi, au premier chef le premier magistrat du pays, ont été les premiers à la piétiner. Des décisions, des décrets, des arrêtés, des notes circulaires…. suspendent des droits consacrés par la constitution ou par des conventions internationales ratifiées par le pays. Les lois ordinaires sont constamment violées par le chef de l’état, ses ministres, les magistrats, les directeurs généraux, les autorités administratives… La primauté du droit et la hiérarchie des normes ne sont plus respectées. L’Etat de droit vacille.

Ainsi, une juridiction d’exception caduque créée en 1981 pour connaitre notamment  » les crimes et délits contre la sureté de l’Etat, les autres crimes et délits politiques » a été mise en place pour juger sévèrement des prévenus. Des peines lourdes peines, notamment des travaux forcés à perpétuités, à l’encontre, des personnes inculpées dans la tentative du coup d’état, mais aussi à l’encontre des inculpés dans l’affaire de l’agression du gendarme, la tentative d’assassinat de l’ancien Vice-Président, Moustadrane Abdou et du déversement des clous à l’aéroport de Bandar Salama à Mohéli.

Les compétences de la cour Constitutionnelles ont été transférées à la Cour Supreme le 12 avril 2018. Les trois membres restant de la Cour Constitutionnelle qui dans un courrier en date du 16 avril 2018, avaient contesté cette « décision » de transfert de compétence et son décret d’application du 13 avril 2018 qui mettaient fin à leurs mandats. Ils avaient jugé cette décision « d’anticonstitutionnelles » et avaient demandé en vain au Président de l’Union de se conformer à la constitution en reconsidérant sa  » décision” en sa qualité de garant des institutions.

Dans un arrêt rendu le 25 avril 2018, la Cour suprême qui tranchait sur la question relative au choix des Conseillers de l’ile autonome de Ngazidja pour siéger à l’Assemblée de l’Union, un litige qui était tranché dans la passé par la Cour Constitutionnelle, a validé la décision du Chef de l’Etat du 12 avril 2018.

Le préambule de la constitution comorienne dispose que le peuple comorien, affirme solennellement sa volonté de marquer son attachement aux principes et droits fondamentaux tels qu’ils sont définis par la Charte des Nations Unies, celle de l’Organisation de l’Unité africaine, le Pacte de la Ligue des Etats Arabes, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ainsi que les conventions internationales notamment celles relatives aux droits de l’enfant et de la femme. Cette constitution proclame notamment, l’égalité de tous en droits et en devoirs sans distinction de sexe, d’origine, de race, de religion ou de croyance, la liberté et la sécurité de chaque individu sous la seule condition qu’il n’accomplisse aucun acte de nature à nuire à autrui, le droit à l’information plurielle et à la liberté de la presse et les libertés d’expression, de réunion, d’association et la liberté syndicale dans le respect de la morale et de l’ordre public.

Les actes commis tout au long de l’année pour restreindre les libertés de circuler, de manifester, d’informer ont été des entorses graves et inadmissibles à la législation en vigueur. Ils ont constitué des reculs graves des libertés publiques et religieuses dans notre pays. Ils ont foulé le au pied les article 17 et 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et les libertés fondamentales garanties par notre Constitution.

Le 16 juin 2018, face au piètement des droits fondamentaux et à la mise en veilleuse des institutions de la république, l’ancien Vice-Président Djaffar Ahmed Said, était sorti de sa réserve pour dénoncer le non-respect des textes. Dans un discours prononcé au siège du Gouvernorat de l’ile autonome de Ngazidja à l’occasion de la présentation des vœux de l’ide el fitr de la population au Gouverneur de l’ile, il a condamné, avec vigueur, la situation qui prévaut dans le pays et a dénoncé solennellement le processus de révision constitutionnelle qu’il estime anticonstitutionnel. Il a condamné la décision du Chef de l’Etat, du 12 avril 2018, de transférer les compétences de la Cour Constitutionnelle à la Cour Suprême. Il avait rappelé les missions assignées par la Constitution à cette institution et a regretté que cette Cour ne puisse pas fonctionner alors que des lois sont adoptées sans l’aval de cette institution. Il a rajouté que ce qui est en train de se passer, c’est un mépris à la Constitution, une chose qui n’est jamais arrivée dans aucun autre pays, une grande première. Il avait appelé tous les comoriens à refuser d’être embarqués dans ce péril qu’est la modification constitutionnelle. Ce cri de cœur de l’ancien Vice-Président de l’Union n’a pas été entendu par le Président de l’Union qui l’a dépouillé par la suite de ses prérogatives. Il sera ensuite condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuités, dans une affaire de tentative du coup.

Un referendum constitutionnel a été organisé le 30 juillet 2018. Le projet portant révision de la Constitution n’a été rendu public qu’à la veille du scrutin. Le Président de l’Union, Azali Assoumani, avait signé depuis le 30 avril 2018, le décret No 18-026/PR portant convocation du corps électoral pour l’organisation du référendum constitutionnel. Ce décret du 30 avril 2018, comportait depuis sa publication un vice de fond puisque le projet de texte référendaire n’était pas attaché. L’article 164 du code électoral du 5 juin 2014 dispose que « le projet ou la proposition de loi et le texte de la question à poser au peuple sont annexés au décret portant convocation du corps électoral ». Ainsi le cadre juridique scrutin référendaire du 30 juillet 2018 a été vicié des le début du processus électoral. Le dispositif de son organisation et du contrôle des opération électorales ont été malmenés.

Le referendum constitutionnel a été ainsi organisé le 30 juillet 2018. La population a boudé les urnes. Le président de l’Union et son gouvernement n’ont pas entendu les appels d’apaisement lancés par la communauté internationale, les partis politiques de l’opposition, les organisations de la société civile, les ulémas, une partie de la notabilité et des anciens acteurs politiques du pays. Le dialogue inclusif sur les réformes constitutionnelles, n’a pas eu lieu. Fort des soutiens de l’appareil étatique et de l’armée, le pouvoir a nargué tout le monde et a imposé ses résultats malgré un taux d’abstention record.Le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a publié le 31 juillet 2018, les résultats provisoires du référendum constitutionnel du 30 juillet. Le « Oui » a remporté 92,74% des voix et le « Non » a recueilli 7,26% des suffrages exprimés. La Cour Suprême a validé globalement ces résultats, le 6 aout 2018. Ainsi le nouveau texte est entré en vigueur. Il a abrogé et a remplacé la constitution du 23 décembre 2001 révisée, qui lui sont contraires selon l’article 117 de ce nouveau texte. Aucun texte n’a identifié les textes abrogés dans la constitution du 23 décembre 2001 révisée et les articles qui demeurent en vigueur.L’arrêt de la Cour Suprême du 6 aout 2018 a consacré la défaite du droit Comorien et de ses juristes. Une défaite cuisante causée par certains juristes qui ont piloté le processus de mise à mort de ce droit, depuis le 12 avril 2018.

Un ministre de la République, qui occupe une fonction régalienne, affirma haut et fort que « Ce n’est pas la loi qui peut m’amener à freiner des actions quand je dois atteindre l’objectif que je me suis fixé. Vous devriez comprendre qu’il m’arrive souvent de ne pas tenir compte des avis juridiques de mon Directeur de cabinet, un juriste de formation, surtout si ses avis vont à l’encontre de ma vision ». Il n’a pas été contredit. La messe est dite, circulez, le pays n’a pas besoin de droit.

Le Président de l’Union a signé, le 8 novembre 2018, un Décret Nº18-097/PR portant nomination à titre provisoire d’un Administrateur de l’Ile Autonome de Ndzuwani. La Cour Suprême qui devrait constater la vacance ou l’empêchement définitif du Gouverneur de l’ile autonome de Ndzuwani a été uniquement consultée. Ainsi le Chef de l’Etat nomme un Administrateur provisoire, une fonction nullement prévue dans la constitution, qui est investi des pouvoirs attachés aux fonctions de Gouverneur qui lui sont confiées par la Constitution.

Le Président de l’Union a convoqué le collègue électoral le 24 décembre 2018 pour les élections anticipées du Président de l’Union et des gouverneurs. La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) s’autorise à ne pas appliquer un arrêt de la Cour Suprême qui annule un arrêté du Ministre de l’intérieur qui avait suspendu un membre de cette institution. Le décor est ainsi planté pour ces scrutins. Bonjour la transparence !

L’année 2018 a été une année noire pour le droit Comorien et l’année 2019 risque d’être pire.

En cette fin de l’année 2018, le modérateur de votre blog souhaite à ses fidèles lecteurs et lectrices des très bonnes fêtes de fin d’année et une très bonne et heureuse année 2019.

Comores droit

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