
Alors que l’opinion publique commence à peine à mesurer l’ampleur du scandale qui secoue actuellement les finances publiques comoriennes, le ministère des Finances, du Budget et du Secteur Bancaire a cru bon de publier un communiqué ce 7 avril 2025, dans lequel il se contente de “prendre acte avec regret” des allégations diffusées sur les réseaux sociaux. Une posture défensive qui sonne comme un aveu de faiblesse face à des révélations précises, étayées et explosives.
Car il ne s’agit pas ici de simples “rumeurs”. L’enquête menée par Comoresinfos révèle le détournement de plus de 1,7 milliard de francs comoriens à travers un système sophistiqué, mis en place par des hauts responsables de l’administration fiscale, supposés être les garants de la transparence et de la légalité.
Le cœur du scandale repose sur l’utilisation d’un compte secondaire ouvert chez Exim Bank, réservé aux pénalités fiscales, et contrôlé par le Directeur Général des Impôts, Djaffar Ahmed, et le Receveur central, Ali Hamdi. Avec la complicité d’Ilyasse Said Ahmed, conseiller spécial du ministre, ce compte est devenu une véritable tirelire personnelle.
Parmi les cas les plus révélateurs, le détournement d’un chèque de 400 millions de francs émis par l’opérateur Telma. Pire encore : des falsifications de relevés bancaires ont été opérées pour brouiller les pistes.
C’est Zakariya, Directeur des Grandes Entreprises à la DGI, qui a fini par briser le silence. Alerté par des mouvements suspects, il a directement informé le ministre, entraînant la suspension des signatures de Djaffar Ahmed et Ali Hamdi sur les comptes de la DGI. Une réaction saluée, mais jugée trop tardive au vu de la gravité des faits.
Et pendant ce temps, que fait le ministère ? Il dénonce une tentative de ternir son image et parle de “précautions” et “transparence”. Une ligne de défense d’autant plus hypocrite que Comoresinfos a appris qu’une réunion s’est tenue hier soir entre les responsables du ministère et ceux de Beit Salam. Le mot d’ordre : étouffer l’affaire, contrôler les fuites, et neutraliser la presse.
La tentative de manipulation médiatique ne s’est pas arrêtée là : Ilyasse Said Ahmed aurait versé 1450 euros à un certain Bachar, pour qu’il publie une vidéo de désinformation visant à blanchir les suspects. Une opération de communication ratée qui a, au contraire, renforcé les soupçons.
Face à cette situation, le communiqué publié par le ministère apparaît comme une manœuvre de diversion. Rien sur les faits, rien sur les montants, rien sur les auteurs identifiés. Juste une promesse vague d’enquête, pendant que les principaux acteurs continuent à bénéficier d’une protection implicite.
Mohamed Youssouf
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