
Ahmed Ben Saïd Djaffar, ancien ministre des Affaires étrangères et actuel ambassadeur des Comores au Sénégal, a longtemps été un proche et fidèle collaborateur d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, ex-président des Comores. Ce lien politique était d’autant plus fort qu’il repose également sur un lien familial : Djaffar et Sambi sont cousins. Pourtant, en 2021, Djaffar a été nommé ambassadeur par le régime d’Azali Assoumani, celui-là même qui a placé Sambi en résidence surveillée depuis plus de cinq ans et orchestré son procès pour une affaire controversée de vente de passeports comoriens.
Sous la présidence d’Ahmed Abdallah Sambi, Djaffar a occupé des fonctions stratégiques, notamment celles de ministre des Affaires étrangères. Considéré à l’époque comme un homme de confiance et un pilier du gouvernement, il faisait partie des personnalités les plus influentes de la sphère politique comorienne.
Cependant, l’alliance entre les deux hommes s’est brisée lorsque Sambi, accusé de corruption dans l’affaire dite des « passeports comoriens », a été emprisonné par le régime actuel d’Azali Assoumani. Alors que Sambi dénonçait une persécution politique déguisée en procédure judiciaire, Ahmed Ben Saïd Djaffar, autrefois l’un de ses plus fidèles soutiens, a choisi de se rallier au pouvoir en place.
En novembre 2021, Ahmed Ben Saïd Djaffar a été nommé ambassadeur des Comores au Sénégal par le président Azali Assoumani. Cette nomination a suscité de vives réactions, car elle a été perçue comme un acte de trahison envers Sambi, non seulement sur le plan politique, mais aussi familial. Le fait que Djaffar ait accepté ce poste sous un régime accusé de réprimer violemment ses opposants, y compris son propre cousin, a alimenté les critiques.
Pour beaucoup d’observateurs, cette nomination symbolise le pragmatisme et l’opportunisme politiques d’un homme prêt à sacrifier ses anciennes alliances pour conserver une place dans l’appareil d’État. D’autres y voient une stratégie du régime Azali visant à affaiblir davantage le camp de Sambi en recrutant ses anciens alliés.
L’affaire Sambi, souvent qualifiée de procès politique, a divisé la classe politique et l’opinion publique comoriennes. Ahmed Abdallah Sambi, accusé d’avoir détourné des fonds issus de la vente de passeports, a toujours nié les faits, affirmant qu’il s’agissait d’un coup monté orchestré par le régime pour l’éliminer politiquement.
Malgré les appels à la solidarité de ses anciens collaborateurs, peu ont osé publiquement défendre Sambi, de peur de subir le même sort. La nomination de Djaffar par Azali Assoumani est ainsi apparue comme un symbole de l’isolement total de Sambi, abandonné même par les membres de sa propre famille.
Le parcours d’Ahmed Ben Saïd Djaffar illustre les retournements d’alliance qui caractérisent la politique comorienne. Ancien fidèle de Sambi et aujourd’hui ambassadeur d’un régime qu’il accuse de l’avoir emprisonné injustement, Djaffar est devenu, aux yeux de beaucoup, le symbole d’une trahison politique et familiale.
Si certains y voient un choix pragmatique dicté par les réalités politiques du moment, d’autres n’y voient qu’un acte opportuniste visant à préserver une carrière personnelle, au détriment de la loyauté envers un homme qui fut à la fois un allié et un cousin. Quoi qu’il en soit, cette affaire reste une illustration des tensions profondes qui continuent de marquer la scène politique comorienne.
ANTUF Chaharane
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