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Quel scenario du Covid-19 aux Comores ? Une vigilance accrue doit être de mise

Tribune: Ceci est un cri d’alarme que je lance aux autorités mais aussi à la population en général pour que nous redoublions d’efforts pour s’assurer que le patient zéro du Covid-19 ne trouve pas son chemin vers les Comores indépendants. Il faut absolument garder les frontières fermées et les surveiller de manière scrupuleuse pour s’assurer que chaque personne qui les franchit soit mise en quarantaine, sinon : suivez mon regard….

Observons d’abord les chiffres d’un scénario minimaliste. Celui-ci me donne déjà froid au dos puisqu’il se révèle catastrophique. Je prie pour qu’un tel scenario ne se réalise pas. Mgu narihafadhwi yari puwe ne shari mais il y a de quoi à s’inquiéter. Il y aussi des vérités qu’il faut oser dire.

Les spécialistes nous disent qu’au minimum 20% de la population mondiale sera contaminée par le Covid-19. Ce chiffre peut même atteindre 60% mais, pour rester optimiste, et puisque des mesures de distanciation sociale sont déjà mises en place, nous allons utiliser la barrière minimale des 20% comme base de notre hypothèse.

Ce scénario, bien que minimaliste, démontre que nous sommes en face d’un possible drame humanitaire si nous baissons les bras trop vite. Aux Comores si cela arrivait, et je ne le souhaite pas, 20% de la population représenterait grossièrement un minimum de 160 000 personnes infectées. Heureusement, si je peux m’exprimer ainsi, seulement 85% des cas seraient des cas bénins qui ne nécessiteraient pas une prise en charge médicale. Les 15% restant, soit environ 24 000 personnes seraient des cas sévères qui exigeraient un séjour à l’hopital. Supposons que la pandémie dure trois mois. Dans ce cas nous aurions quotidiennement une moyenne de 1 778 nouveaux cas dont 267 cas sévères. Comme c’est juste une moyenne, au pic de la pandémie on pourrait s’attendre à ce que ce chiffre atteigne le double voire même le triple de la moyenne. On comprend donc que le seul scénario optimiste aux Comores est celui de 0 cas détecté dans le pays. D’où la nécessité de prendre toutes les mesures possibles pour s’assurer que le patient zéro ne s’infiltre pas dans le pays.

A partir de ces chiffres, on peut donc se poser une série de questions:

1. Avons-nous les infrastructures et assez de personnel médical pour accueillir tout ce monde? A mon avis, la réponse est non. Ajouter une moyenne de 267 patients en état sévère ou critique dans un système de santé vétuste signifie l’arrêt de mort pour la plupart des patients en état critique mais également des autres patients admis pour d’autres causes.

2. Avons-nous assez de kits pour faire le test du Covid-19? A mon avis, la reponse est non. Les 20 000 kits offerts par le PDG d’Ali Baba, Mr. Jack Ma, (qu’on ne peut d’ailleurs pas encore utiliser puisque l’appareil nécessaire pour faire le test, bien qu’il soit commandé, n’est pas encore arrivé dans le pays) s’épuiseront en quelques jours. Signalons que , pour un taux d’infection de 20%, il faudra faire au moins 2000 tests par jour.

3. Y-a-t-il assez de masques à offrir aux patients? Idéalement, chaque personne infectée devrait avoir accès à des masques depuis le jour du diagnostic jusqu’au jour de guérison. Si on considère que chaque individu aura besoin d’au moins 2 masques par jour, on comprend très vite que le peu de masques offerts par Jack Ma ne suffira pas et que nous sommes très loin du compte. Au minimum on aura donc besoin de 4 480 000 masques (160000 × 2 x 14, cad nombre de cas x 2 masque/jour x 14 jours de maladie).

4. Avons nous ce dont nous avons besoin pour garder notre hygiène corporelle et l’hygiène de notre entourage (notamment l’eau, le savon et autres produits désinfectants)? Dans un pays où l’accès à l’eau est très limité, n’en parlons pas de l’eau de robinet, il est difficile de croire que les consignes d’hygiène soient scrupuleusement respectées.

Mais là où demeure le problème le plus sérieux, c’est au niveaux de la prise en charge des patients en état critique. On estime que 5% des porteurs du virus , soit environ 89 patients par jour seront admis en soins intensifs et auront besoin d’équipements médicaux spécialisés comme les appareils d’aide à la respiration et autres appareils de surveillance des signes vitaux. D’où les questions suivantes :

5. Combien de lits aux soins intensifs avons nous dans le pays? La reponse est 34 (une autre source me dit que c’est seulement 24). Ceci veut dire que quelques patients seulement en état critique seront admis aux soins intensifs. Probablement, ces quelques lits seront réservés aux patients qui ont un certain nom ou ayant bénéficié d’un traitement de faveur comme c’est souvent le cas chez nous. Les autres risqueront de périr dans les couloirs.

6. Combien d’unités de respirateurs avons-nous dans le pays? Avec une moyenne de 89 patients par jour en état critique, il faut disposer d’au moins 300 unités pour s’assurer que chaque patient puisse être traité pendant au moins 3 jours. Dans le cas contraire , cela va contribuer énormément à l’augmentation du taux de mortalité. Or, quelques sources m’informent que, dans le meilleur des cas, il n’y aurait que quelques unités dans le pays. Sachant que tous les patients en état critique vont avoir besoin d’un respirateur, il est probable que leur chance de survie sera très minime.

Finalement, parmi les personnes infectées, 3% perdront leur vie soit environ 53 décès par jour Rappelons-nous qu’en Italie ce taux est de 10,8%. Ainsi, même avec le taux le plus bas, nous ferons face à une catastrophe humaine sans précédent. Demandons-nous alors :

7. Quelles seront les répercussions d’une si forte moralité sur la propagation de la pandémie étant donné nos croyances et pratiques religieuses?

8. Quelles seront les conséquences sur le système de santé en général et en particulier quel sera son impact sur le personnel?

Je me limite à ces huit questions mais les interrogations sont nombreuses. S’il faut retenir une chose c’est la suivante : la fermeture et la surveillance des frontières sont les seuls et uniques moyens sûrs que l’Etat dispose pour faire face à cette pandémie. Si le virus s’introduit dans le pays, tous les scénarios démontrent que notre système de santé déjà fragile risque de s’écrouler. Que Dieu nous préserve d’une telle situation mais les conséquences de l’absence d’une prise en charge au sein des hôpitaux seront plus que fâcheuses. Redoublons nos efforts.

Aboubacar Saïd Ahmed
PhD en Démographie
Chercheur et Professeur de Sociologie
Montréal, Canada

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