La colère gronde à Mayotte après l’inauguration très critiquée de la nouvelle tour de contrôle de l’aéroport Marcel-Henry, à Pamandzi. Présentée par la préfecture comme « un outil moderne et performant », cette infrastructure… en conteneurs a immédiatement suscité moqueries et indignation sur les réseaux sociaux. Loin d’être un symbole de progrès, elle cristallise au contraire le profond malaise d’un territoire relégué, encore et toujours, aux marges de la République.
« Une tour en tôle pour un département français ? On dirait un décor de film post-apocalyptique… », s’exclame Halima, une mère de famille de Passamainty. Sur Facebook, les commentaires acerbes pleuvent : « Bienvenue à l’aéroport Playmobil de Pamandzi« , « Même à Moroni, ils ont mieux !« , « Un projet digne d’un chantier de BTP abandonné« .
Le préfet François-Xavier Bieuville a tenté de présenter ce projet sous son meilleur jour, vantant un « outil moderne, performant et satisfaisant pour tous ». Pourtant, les images parlent d’elles-mêmes : cette « tour » n’est rien d’autre qu’un empilement de modules préfabriqués, installés dans l’urgence après la dévastation de la précédente structure. Une solution censée être « provisoire », mais pensée pour durer dix ans, selon les explications données par la direction générale de l’aviation civile à la députée Anchya Bamana.
« C’est inadmissible, les Mahorais ne veulent pas de bâtiments en tôle. Nous voulons du béton, du durable, du respect », a-t-elle martelé. « On nous a dit que comme un nouvel aéroport est prévu à Bouyouni, on s’est contenté de ça pour le moment. Mais 10 ans de provisoire, ce n’est pas du provisoire. C’est du mépris. »
50 ans après, pour ça ?
L’île de Mayotte, toujours revendiquée par l’Union des Comores depuis l’indépendance en 1975, est administrée par la France comme son 101e département depuis 2011.
« À quoi ça sert d’être un département français si c’est pour inaugurer une tour de contrôle en conteneur 50 ans après ? », s’interroge Farid, enseignant à Mamoudzou. « On se bat pour l’égalité, mais on reçoit du recyclé. Ce n’est pas ça la France qu’on nous a promise.«
Du côté des Comores, cette situation prête à la moquerie. « Vous avez quitté vos frères pour finir dans une boîte de sardines. C’est ça le développement ?« , raille un internaute de Moroni. Sur les réseaux sociaux comoriens, des caricatures tournent en dérision « la tour en carton de la République », certains y voyant même une ironie de l’histoire : « Mayotte veut être plus française que la France, mais elle n’a même pas droit au béton.«
Le plus amer, peut-être, reste le sentiment généralisé de déclassement. « Même en Guyane ou à La Réunion, on n’oserait pas proposer ça. C’est toujours chez nous qu’on expérimente les solutions au rabais« , déplore Amina, étudiante à Dembéni. « On nous demande d’être patients, mais la patience devient humiliation.«
Et pendant ce temps, les avions atterrissent et décollent sous la surveillance d’agents postés dans une boîte en métal. Une image saisissante, presque symbolique, de la place réelle qu’occupe Mayotte dans l’architecture républicaine.
IBM



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