
Quatre nouvelles licences d’importation de riz ordinaire par le ministre de l’Économie suscite une vive controverse aux Comores. Plusieurs organisations patronales montent au créneau pour dénoncer une décision qu’elles jugent contraire aux textes en vigueur et lourde de conséquences pour le marché national.
Dans un communiqué commun, la Nouvelle Opaco, le Mouvement des entreprises comoriennes (Modec) et le Syndicat national des commerçants comoriens (Synaco) expriment leur « profonde préoccupation » et condamnent fermement ce qu’ils considèrent comme une « violation flagrante » de l’Arrêté conjoint régissant l’importation du riz, signé par les ministres de l’Économie et des Finances.
Cet arrêté, pris en application du décret présidentiel N°23-036/Pr qui a mis fin au monopole de l’Onicor, définit une procédure claire pour l’octroi des licences : la création d’une commission d’examen composée de représentants du public et du privé, censée garantir transparence et équité. C’est à travers cette commission que, précédemment, douze licences avaient été délivrées dans le respect des textes, mettant fin aux pénuries et stabilisant le marché.
Or, selon les organisations patronales, les quatre nouvelles licences ont été accordées « en contournant » cette commission, créant ainsi une distorsion de concurrence. Elles dénoncent un retour à des pratiques opaques qui, selon elles, « mettent en péril les acquis de la réforme » et risquent de replonger le pays dans une instabilité du marché du riz.
Des commentateurs de la vie publique comorienne, interrogés par nos soins, estiment que cette situation illustre une dérive plus profonde. « Aux Comores, la loi est souvent celle des chefs, pas celle des textes », analyse un ancien haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat. Un entrepreneur influent renchérit : « Il n’est un secret pour personne que les licences sont souvent distribuées à des copains. Ce nouvel épisode montre que, malgré les textes, les pratiques clientélistes ont encore de beaux jours devant elles. »
Au sein même de la commission d’examen, le mécontentement est palpable. « Nous sommes tout aussi scandalisés et nous l’avons fait savoir », confie une source interne. Selon cette source, les responsables du ministère justifient leur décision par une « étude de marché » interne qui anticiperait une « pénurie imminente » dans les prochains mois. Ils auraient ainsi privilégié les opérateurs jugés « les plus sérieux », sans consultation formelle de la commission.
Interrogé, le ministère de l’Économie n’a pas donné suite à nos demandes de réaction.
Face à cette situation, les organisations patronales exigent l’annulation immédiate des licences octroyées hors procédure et appellent les autorités à veiller au strict respect de l’Arrêté conjoint. Pour beaucoup d’observateurs, cet épisode révèle une fois de plus les défis récurrents de la gouvernance économique aux Comores.
ANTUF Chaharane
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