
C’est un scandale financier d’une ampleur sans précédent qui secoue les Comores. Une opération de fraude savamment orchestrée, mettant en cause des hauts fonctionnaires, a permis de détourner plus de 1,7 milliards de francs comoriens des caisses de l’État. Cette enquête révèle les dessous d’un système bien rodé, au cœur duquel se trouvent des responsables supposés garants de la transparence fiscale du pays.
Au départ, tout semblait en ordre. La Direction Générale des Impôts (DGI) avait mandaté Exim Bank pour collecter les recettes fiscales, avant de transférer les fonds vers un compte officiel à la Banque Centrale. Mais une zone d’ombre subsistait : les pénalités fiscales, qui ne suivaient pas le même circuit.
Pour pallier ce problème, un deuxième compte fut ouvert chez Exim Bank, dédié exclusivement aux pénalités fiscales. Sa particularité ? Il nécessitait la signature conjointe du Directeur des Impôts et du Receveur central pour toute opération. Une précaution qui, au lieu d’empêcher les malversations, a offert un terrain idéal à une fraude massive.
Selon plusieurs sources croisées et confirmées, le détournement a été orchestré par un trio désormais surnommé « les bandits de la République » :
- Djaffar Ahmed, Directeur Général des Impôts
- Ali Hamdi, Receveur central des impôts, originaire de Heroumbili
- Ilyasse Said Ahmed, conseiller spécial du ministre des Finances, réputé dans les couloirs du ministère comme le « doyen des arnaques »
Ces trois hommes avaient un accès direct au compte des pénalités fiscales, devenu leur tirelire privée. Parmi les cas révélateurs de la fraude : un chèque de 400 millions émis par l’opérateur Telma à destination des impôts a été frauduleusement encaissé sur ce compte parallèle.
Pire encore, Ilyasse Said Ahmed aurait falsifié des relevés bancaires pour masquer les traces du détournement. Le tout dans une impunité quasi-totale… jusqu’à récemment.
C’est un homme de l’intérieur qui a fait basculer l’affaire. Zakariya, Directeur des Grandes Entreprises à la DGI, a décidé de briser l’omerta. Il a alerté directement le ministre des Finances après avoir constaté des anomalies grossières dans les mouvements de fonds. Sa démarche a enclenché une enquête discrète, mais déterminée.
En réaction, le ministre des Finances a immédiatement suspendu les signatures de Djaffar Ahmed et d’Ali Hamdi sur les comptes de la DGI à Exim Bank. Une mesure jugée tardive par certains, mais qui marque un premier pas vers des poursuites judiciaires.
Dans une ultime tentative de brouiller les pistes, le DG des impôts aurait remis 1450 euros à un certain Bachar, résident de Dar Salam, pour qu’il publie une vidéo de désinformation. Dans celle-ci, Bachar tente de disculper les accusés, avançant des versions incohérentes et sans fondement. Mais cette opération de communication n’a fait que renforcer les soupçons.
Et toujours dans cette enquête, une autre découverte a surpris, il est à noter que Djaffar Ahmed, le Directeur Général des Impôts mis en cause dans cette affaire, a récemment fait l’acquisition de sept véhicules 4×4. Plus troublant encore, il vient de remettre les clés d’une maison luxueuse, construite en un temps record de six mois, à sa nièce, elle-même employée aux impôts. Une accumulation de signes extérieurs de richesse qui contraste violemment avec les principes de probité que l’on attend de tout haut fonctionnaire.
Mohamed Youssouf
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