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Contre l’instrumentalisation de la justice à Mayotte

Communique du Syndicat de la magistrature

Depuis le début de la grève, en février 2018, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Mamoudzou a été saisi à plus de sept cent reprises par la préfecture pour prolonger la rétention de personnes étrangères se trouvant en situation irrégulière et retenues au centre de rétention administrative.

Les décisions de ce magistrat donnent lieu à un rejet systématique de la requête puisque la loi française n’autorise la prolongation de la rétention administrative qu’aux fins de permettre une reconduction effective à la frontière dans un délai raisonnable. Or, les autorités comoriennes refusant depuis plusieurs semaines d’accueillir leurs ressortissants expulsés par la France, aucune perspective d’éloignement n’apparait envisageable.

Cette situation correspond sans aucun doute à une instrumentalisation de l’institution judiciaire par les autorités de l’Etat, qui ne sont jamais présentes ni représentées aux audiences du juge des libertés et de la détention et ne font jamais appel de ces décisions de rejet. Les autorités préfectorales, contraintes de conduire une politique du chiffre, ne veulent en réalité pas prendre la responsabilité de libérer elles-mêmes les personnes placées en rétention.

Le syndicat de la magistrature s’indigne de ces pratiques des autorités préfectorales consistant à se défausser de leurs responsabilités derrière un magistrat qui sera immanquablement taxé de laxisme alors qu’il ne fait qu’appliquer la loi.

Il est vain, en l’état actuel des relations avec les Comores, de continuer la politique d’interpellation des personnes étrangères en situation irrégulière puisque celles-ci seront immanquablement libérées. Continuer à agir ainsi revient à tromper la population mahoraise en leur faisant croire que de cette manière l’Etat lutte contre l’immigration illégale.

Le syndicat de la magistrature observe enfin que cette politique entraîne un véritable gâchis de moyens humains et financiers puisque policiers, greffiers, avocats et magistrats sont contraints de travailler sans relâche pour une efficacité inexistante. L’aide juridictionnelle accordée aux étrangers et la prise en charge des personnes retenues à l’occasion de ces recours vains ont un poids importants pour le budget de la justice et donc de l’État. Ces moyens pourraient être beaucoup mieux employés.

Le syndicat de la magistrature réclame par conséquent l’arrêt immédiat de cette politique délibérément trompeuse, inefficace et contre-productive.

La Section mahoraise du Syndicat de la Magistrature

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