
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme des horaires dans la fonction publique, les Comoriens vivent un véritable bouleversement dans leur quotidien. Finir le travail à 17 heures au lieu de 14 heures ne paraît pas anodin : c’est tout un mode de vie qui se trouve remis en question, entre fatigue, désorganisation familiale et difficultés d’adaptation à une culture du travail importée.
Un rythme difficile à suivre
Pour beaucoup de salariés, notamment les mères de famille, cette réforme est synonyme de stress et d’épuisement.
Faidhoiti Siga, employée dans la fonction publique, raconte :
« Avant, on sortait à 14h, on pouvait encore aller au marché, cuisiner, s’occuper des enfants. Maintenant, quand on rentre à 18h, tout est déjà en retard. On est fatiguées, les enfants n’ont rien mangé, et on n’a plus la force pour les devoirs. »
Même son de cloche pour Fatima Msa, employée à l’Ortc :
« C’est très difficile, surtout que les salaires n’ont pas augmenté. Ceux qui habitent loin rentrent à 19h. Et en plus, il faut parfois attendre des heures juste pour pointer. »
Ces témoignages traduisent une même réalité : le quotidien familial comorien n’est pas pensé pour un rythme de bureau prolongé. Les marchés ferment tôt, les enfants rentrent de l’école dans l’après-midi, les transports sont lents. Le passage à 17h crée une désynchronisation entre la vie professionnelle et la vie domestique.
Des avis partagés
Pour d’autres, au contraire, cette réforme modernise les habitudes.
Marzouk Moimed Hassane, jeune employé à la Mamwe, s’en réjouit : « Le week-end, on peut enfin respirer ! Avant, travailler le samedi matin, c’était lourd. Maintenant, on finit vendredi soir et on a deux vrais jours de repos. Et puis, on travaille plus sérieusement qu’avant. »
Mais pour un père de famille, la réforme passe à côté des réalités locales :
« La vie ici n’est pas comme en Europe. Les enfants sortent tôt, les familles aiment se retrouver le soir. À 17h, c’est fini, tu rates tout ça. On veut nous faire vivre comme ailleurs, mais ce n’est pas notre culture. »
Une mesure jugée anachronique à l’ère de l’intelligence artificielle
À l’ère du numérique et de l’automatisation, certains experts estiment que cette réforme arrive trop tard.La rédaction de Comores Infos a interrogé Antuf Chaharane, juriste en droit du travail et membre de la rédaction, sur les implications de ce changement.
Selon lui : « Cette réforme aurait eu du sens il y a dix ou vingt ans, quand tout reposait sur la présence humaine. Aujourd’hui, avec les possibilités d’automatisation des tâches, notamment administratives, on devrait au contraire chercher à réduire le temps de présence et à augmenter la productivité grâce à l’intelligence artificielle. »
Pour Chaharane, les Comores gagneraient à conserver les anciens horaires tout en investissant dans la digitalisation et l’efficacité du travail.
« La vraie modernité, ce n’est pas de copier les horaires européens, mais d’adapter notre système à l’intelligence artificielle, à nos réalités sociales et économiques. »
Un tournant mal synchronisé
En somme, cette réforme, pensée pour “moderniser” le pays, semble anachronique à une époque où l’efficacité se mesure moins en heures passées qu’en résultats produits.
Finir à 17h, ce n’est pas seulement changer d’horaire : c’est changer de société, de rythme, de culture.Et beaucoup de Comoriens peinent encore à s’y adapter.
Said Hassan Oumouri
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