
Le 8 mai dernier, le président Azali Assoumani a reçu à Beit-Salam la présidente de la chambre anti-corruption, Fahamoe Youssouf, accompagnée du conseiller chargé de la prévention de la corruption, Ahmed Mohamed Allaoui. À l’issue de la rencontre, le chef de l’État a salué les efforts de l’institution et formulé plusieurs recommandations, dont le renforcement de la sensibilisation et la mise en place de mécanismes de prévention à tous les niveaux de l’administration. Officiellement rattachée à la Cour suprême, cette chambre a pour mission, selon sa présidente, de « bâtir une culture de transparence, de responsabilité et de bonne gouvernance ».
Mais dans un pays où le président Azali lui-même avait supprimé la Commission nationale anti-corruption dès son retour au pouvoir en 2016, l’initiative est accueillie avec beaucoup de scepticisme. Depuis cette dissolution, les scandales de corruption se sont multipliés, sans qu’un véritable changement structurel n’ait été observé.
Ces dernières années, plusieurs affaires ont secoué l’opinion. En avril 2025, une enquête exclusive a révélé le détournement présumé de 1,7 milliard de francs comoriens via un compte parallèle lié aux pénalités fiscales, impliquant directement le ministère des Finances. Ce dernier a d’ailleurs rapidement publié un communiqué pour démentir les faits tout en annonçant une enquête interne. Deux ans plus tôt, 60 millions de francs comoriens destinés aux étudiants avaient été détournés au sein de ce même ministère, ce qui avait entraîné l’arrestation d’un haut fonctionnaire, M. Himidi. À cela s’ajoute l’affaire des 350 millions de francs disparus des comptes de l’Agence nationale du pèlerinage, soulevant de lourdes interrogations sur la gestion des fonds et la transparence de la coopération avec les autorités saoudiennes.
Plus récemment encore, l’ancien ministre des Affaires étrangères Dhoihir Dhoulkamal s’est retrouvé au cœur d’un scandale après la révélation de soupçons de fraudes sociales en France pour un montant de 251 000 euros, avec sa compagne. Un mandat de recherche a été lancé contre lui en mars 2025, ternissant encore davantage l’image des élites comoriennes.
Face à cette accumulation de scandales, la chambre anti-corruption peine à convaincre. Si son programme d’action semble ambitieux – avec des rencontres dans toutes les îles, des campagnes médiatiques, la construction d’un bâtiment dédié et des partenariats avec les ambassades – la population reste méfiante. Beaucoup y voient une vitrine politique, sans moyens d’enquête réels ni indépendance face à l’exécutif.
Dans un pays classé 158e sur 180 à l’Indice de perception de la corruption 2024, avec un score de 21 sur 100, la confiance est brisée. Pour espérer regagner l’adhésion du public, il faudra plus que des discours et des bilans de réunions : il faudra des enquêtes sérieuses, des poursuites transparentes, et surtout, des actes concrets.
ANTUF Chaharane
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