
15 mai 2025 – Il flottait comme un parfum de nouveauté au palais présidentiel de Beit-Salam ce mercredi. Lors du traditionnel conseil des ministres, le président Azali Assoumani a validé une décision longtemps attendue mais souvent repoussée : relancer officiellement le dossier du pétrole comorien. Cette fois, c’est avec une entreprise norvégienne, TGS, que le gouvernement entend franchir une nouvelle étape, celle de l’exploration sismique avancée, indispensable avant tout forage.
Un choix stratégique qui marque peut-être la fin d’un long tunnel d’attentisme.
Le pétrole aux Comores, cela fait près de vingt ans qu’on en parle. En 2007, une première collaboration avec l’entreprise américaine GX Technology lançait la collecte de données géophysiques. En 2011, les premiers résultats tombent : les fonds marins comoriens recèleraient plus de 10 milliards de barils équivalent pétrole. De quoi faire rêver tout un pays.
Dans la foulée, le gouvernement adopte en 2012 un Code pétrolier moderne, taillé pour séduire les investisseurs. En 2014, des contrats de partage sont signés avec Western Energy pour trois blocs pétroliers. Mais le rêve s’enlise : changement de priorités politiques, absence de suivi opérationnel, silences officiels… Le dossier disparaît du radar.
Jusqu’à aujourd’hui.
TGS entre en scène : que va-t-il se passer maintenant ?
En donnant son accord à cette entreprise norvégienne, présente dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, le gouvernement comorien mise sur une approche plus rigoureuse et actualisée. TGS ne vient pas forer. Elle va cartographier en profondeur les fonds marins comoriens, à l’aide d’ondes sismiques, pour repérer les structures géologiques favorables à la présence d’hydrocarbures.
Ce travail, bien que discret, est crucial : il permet de réduire les incertitudes avant tout forage exploratoire, qui coûte cher et peut s’avérer inutile s’il est mal ciblé.
Autrement dit, après des années de discours, les Comores entrent enfin dans le cœur du processus d’exploration.
Ce moment symbolique est aussi l’occasion de rappeler qu’exploiter du pétrole ne se résume pas à creuser un trou et faire jaillir une richesse. Le chemin est long, technique, et semé d’enjeux géopolitiques, économiques et environnementaux.
Tout commence avec les études sismiques, comme celles menées aujourd’hui avec TGS. C’est une forme de radiographie du sous-sol. Ces études permettent d’identifier des zones prometteuses. Ensuite, il faut forer – cette fois physiquement – pour vérifier la présence réelle de pétrole ou de gaz, leur qualité, et surtout leur quantité.
Si les résultats sont bons, une nouvelle étape débute : évaluer si l’exploitation est économiquement viable. Extraire du pétrole n’a de sens que si les coûts ne dépassent pas les bénéfices attendus.
Ce n’est qu’après cela que viennent les grands chantiers : infrastructures de production, traitement, transport, et commercialisation. Tout cela peut prendre des années.
Et enfin, il y a la question cruciale : comment l’État va-t-il gérer ces ressources ? Qui touchera les revenus ? Comment seront-ils redistribués ? Quels mécanismes de transparence seront mis en place ?
La décision d’associer TGS au processus est un pas dans la bonne direction. Elle relance un dossier endormi, donne un signal de sérieux aux investisseurs et permet au pays de se repositionner dans un secteur énergétique clé.
Mais rien n’est encore gagné. Il faudra aller au bout de l’exploration, forer, évaluer, et surtout éviter les pièges bien connus du “syndrome pétrolier” : dépendance économique, mauvaise gouvernance, tensions sociales.
La richesse enfouie sous le sol comorien ne sera une bénédiction que si elle est exploitée avec méthode, justice, et clairvoyance.
Et c’est maintenant que tout commence.
ANTUF Chaharane
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