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Affaire Maoulid de Mbeni: Pour les juristes, l’arrêté est contestable

Les avis des juristes divergent concernant l’arrêté ministériel interdisant les célébrations du Maoulid dans la journée. Certains fustigent un arrêté qui n’est fondé sur aucune base légale et exécuté en dehors des procédures. D’autres estiment que l’administration a parfaitement le droit de règlementer, par arrêté ou note circulaire, les activités publiques mais la sanction n’est visée nulle part.

Après l’opposition et la société civile, c’est au tour des juristes de débattre sur la légalité de l’arrêté portant interdiction du Maoulid Nabawi en pleine journée sauf le week-end et les jours fériés. Le juriste Mohamed Rafsandjani explique que cet arrêté n’est fondé sur aucune base légale et a été exécuté en dehors des procédures de la loi. Dans son argument, il montre que la constitution garantit aux citoyens le droit de jouir de la liberté religieuse. Celle-ci suppose la liberté d’exercer son culte. Les seules limites à cette liberté comme à toutes les autres ne peuvent être prévues que par la loi ou pour les exigences d’ordre public. « Cet arrêté n’est pas la loi et l’ordre public n’est même pas mentionné car au fond ce n’était pas la question. Quand bien même, la protection de l’ordre public doit être proportionnée en prenant la mesure la moins attentatoire aux libertés possibles », souligne-t-il avant, tout en montrant que la seule raison qui apparaît dans l’arrêté serait d’empêcher l’absentéisme dans les administrations.

« Mais cette raison ne peut justifier l’entrave à l’exercice du culte. D’autres mesures existaient pour servir cet objectif. Enfin, quand bien même, on devait faire comme si cet arrêté était légal, ceux qui l’auraient violé ne sont que des contrevenants. On les sanctionne par une amende s’il le faut, ou on engage des procédures mais on n’utilise pas la force armée. En conclusion, cet arrêté n’est fondé sur aucune base légale et a été exécuté en dehors des procédures de la loi. Notre armée viole comme d’habitude la loi relative à l’AND même qui prévoit comme mission notamment la sauvegarde de la population », déplore-t-il.

De son coté, Me Said Hachim Saïd Hassane encourage les gens à saisir le juge pour contester  cet arrêté. « Seule une décision de justice aurait pu trancher la  question. Mais les justiciables n’ont pas confiance en la justice. Personne n’a le réflexe d’aller saisir le juge pour trancher les litiges. Ce qui s’est passé doit soulever des questions », avance-t-il. Sur le plan intellectuel du raisonnement juridique, cet avocat au barreau de Moroni dit que l’arrêté peut poser débat. «  Sans une décision de justice, cela sera une confrontations des juristes. L’un dirait que c’est justifié. L’administration a le pouvoir réglementaire, d’autres diront le contraire avec des arguments relevant de la loi. Il faut espérer que les gens prennent cette habitude à trancher sur cette question au lieu de laisser les politiques s’approprier les sujets et les débats », dit-il.

Quant à Me Fahmi Said Ibrahim, il s’agit d’un arrêté qui relève du domaine réglementaire. L’administration a parfaitement le droit de règlementer, par un arrêté ou une note, les activités publiques. Cependant, cet arrêté ne prévoit aucune sanction si ce n’est sa référence sans pour autant déterminer de quelle loi il s’agit. L’arrêté se réfère de manière vague aux règlements en vigueur en Union des Comores. Mais de quelle loi s’agit-elle ? La sanction n’est visée nulle part. « Il y a le principe de la légalité de la sanction pénale, on ne peut pas sanctionner, si la sanction n’est pas prévue par un texte. Il est important de viser un texte précis et non d’une manière vague », soutient celui qui se souvient encore qu’il y a 6 ans en étant ministre de la justice, il avait fait une note circulaire concernant la circulation des voitures de l’Etat en dehors des heures de travail. Cette note n’a pas été respectée et aucune arrestation n’a été faite. Et pour revenir à ce sujet, l’utilisation de la force a été excessive selon notre interlocuteur. « Les mesures qui ont été prises à l’encontre des contrevenants ont été sans contestation possible, plutôt disproportionnées par rapport à la violation d’un acte réglementaire, donc purement administratif. Seule la loi peut prévoir la privation de liberté en cas de non-respect de celle-ci. Il pouvait faire en sorte que cet arrêté soit respecté, d’où la nécessité de préciser la sanction encourue. Le gouvernement peut prendre des dispositions, mais relevant du domaine uniquement réglementaire, pour le besoin de la communauté. Le ministre peut prendre des actes réglementaires pour le fonctionnement de la vie de tous les jours. En revanche, une inobservation d’un règlement n’entraine pas la privation de liberté, des amandes peut-être si le texte le prévoit auraient pu être infligées aux contrevenants. Sur ce point, à mon humble avis, l’utilisation de la force a été excessive et disproportionnée », déplore-t-il.

Andjouza Abouheir / LGDC 

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