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A Mbéni, les femmes non mariées sont placées sous tutelle

C’est une décision pour le moins cocasse annoncée dans un groupe Facebook réunissant plus de 3000 internautes, et dédié aux nouvelles de ce chef-lieu de Hamahamet. La sécurité locale a annoncé samedi l’interdiction pour la femme « non mariée » de quitter Mbeni « en véhicule, la nuit », « sans un membre de sa famille ». Une mesure sans doute « illégale » selon le procureur de Moroni, une « prise d’otage » selon les défenseurs des droits de la femme.

Samedi 17 avril dans le groupe Facebook M’beni News, un internaute répondant au nom de Djone-Djod le Dubaiist a publié ce message : « Toute femme non mariée qui montera dans un véhicule la nuit pour quitter Mbeni sans la présence d’un membre de sa famille, la sécurité la fera descendre », a averti l’auteur de cette annonce qui a suscité plus de 200 commentaires, la plupart favorables, du moins dans ce groupe dédié exclusivement à la communauté native de Mbeni tandis que dans d’autres plateformes, cette mesure ne peut qu’être la risée des internautes.

Interrogé par La Gazette des Comores, le procureur de la République de Moroni n’y va pas avec le dos de la cuillère pour la qualifier d’« illégale ». Même son de cloche pour les défenseurs des droits de la femme. « Cette mesure est une insulte aux capacités des « femmes non mariées » à pouvoir se gérer. Et en tant que militante féministe des droits humains, je dénonce cette violation du droit de se déplacer que je qualifie de prise d’otage en bande organisée », réagit la militante Amina Ali, membre de la plateforme Ufahari Wa Komori, avant de poursuivre : « Comment peut-on, en 2021, sortir des mesures aussi dégradantes envers les femmes ? Comment peut-on s’imaginer qu’une « femme non mariée » doit être tenue en laisse ? ».

Avocat au barreau de Moroni, Moudjahidi Aboulbastoi qualifie lui aussi cette mesure d’insulte à l’égard des femmes. Et pas que. « Interdire une femme de quitter son village natal à certaines heures de la journée est constitutif d’une violation grave de nos libertés constitutionnelles, mais surtout cela est manifestement un acte de discrimination sexuelle qui contribue à institutionnaliser la misogynie et à entretenir les préjugés les plus vils sur la femme comorienne », réagit celui qui devait rappeler que la liberté d’aller et venir est garantie par la Constitution de ce pays.

Et cette liberté, poursuit l’avocat, est garantie à tous les citoyennes et citoyens de la Nation, selon le principe de l’égalité de tous devant la loi, sans distinction de race, de sexe, de religion et de conviction politique, comme est bien souligné par l’article 2 de la Constitution de 2018. « Derrière cette interdiction, se cache une insulte à l’égard de toutes les femmes comoriennes. Cette interdiction n’est rien d’autre que la croyance néfaste et stupide qui consiste à assimiler la femme avec le « fitna », à considérer la femme comme une source de pêché, croyance malheureusement partagée par la plupart des hommes de ce pays ».

Contacté par téléphone, le chef traditionnel de Mbeni dit « n’avoir pas été consulté ». Ce qui revient à dire que la mesure n’engage pas officiellement le chef-lieu de Hamahamet. En revanche, la sécurité, connue et reconnue dans la localité, reste ferme sur ses étriers : « pas de retour en arrière ».

Andjouza Abouheir / LGDC

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