En ce moment

Nos forces de l’ordre, championnes du désordre

​Dans le numéro 175 de « L’Archipel »  publié une semaine avant le coup d’état militaire du Colonel Azali Assoumani du 30 avril 1999, actuel Chef de l’Etat, le Directeur de publication du journal  Aboubacar M’changama relatait avec objectivité, les maux qui rongeaient à l’époque notre armée. Pour lui, « pouvoir politique et pouvoir militaire ont toujours agit ici en mauvaise connivence dans laquelle chacun pouvait compter sur l’autre pour agir dans une impunité propre aux régimes dictatoriaux. Les politiques n’ont jamais conçu une armée pour la défense du pays, mais comme un instrument de répression domestique. Du coup, les valeurs proprement militaires ont été tronquées au fil des ans, faussées. L’armée a couvert les pires anomalies en son sein, toléré les actes d’insubordination les plus graves; bref tous les manquements aux valeurs qui font une armée et forcent son respect. Selon toujours Aboubacar M’changama depuis sa création, et à travers ses diverses appellations (Fac, Gp, Fcd, And…), l’armée comorienne, reflet parfait des régimes qui se sont ici succédés, n’a jamais eu en aucun moment un quelconque comportement patriotique (…). A l’image de la plupart des armées africaines, la nôtre s’apparente elle aussi à un gang (dés) organisé, royalement indisciplinée. Aucun fait d’armes, ses seuls exploits connus sont les exactions et la gâchette facile, un peu d’affairisme et un peu de contrebande, etc…Mais lorsqu’il s’agit de se battre pour défendre le pays, nos soldats sont les premiers à battre en retraite s’ils ne rallient pas le camp ennemi, en l’occurrence mercenaire ».
 
Dans cet article, il relata ce simple incident de la circulation entre deux conducteurs : un militaire et un juge, par pur hasard. Le militaire frappe le juge et lui lance au visage : « nous n’avons pas besoin ni de juge ni de gens instruits dans ce pays » (sic). Son corps (l’armée de la gendarmerie) a refusé que son homme soit jugé.
 
17 ans après la publication de cet article mémorable, la situation n’a pas changé, elle a au contraire empiré avec la multiplication des recrutements fantaisistes au sein de l’armée et de la police. Le 1er octobre 2014 un simple incident de la circulation a failli tourner au drame. Un militaire chargé de protéger une haute autorité de l’Etat tire à bout portant sur un civil non armé. La balle a transpercé le bras gauche juste tout près du cœur. Il fallait une intervention chirurgicale sous anesthésie générale pour nettoyer la plaie de la victime. La famille a pris en charge les frais médicaux. Cette affaire qui avait choqué plus d’un d’autant plus que l’incident a été filmé par des passants est demeuré impuni et le Garde du corps auteur du coup de feu n’a jamais été inquiété, ni sanctionné. Il a été entendu comme simple témoin dans un procès ubuesque des victimes de la fusillade du 1er octobre, transformées par le parquet de Moroni, en…agresseurs du Vice-Président. Il est demeuré toujours le garde du corps de l’ancien Vice-président en charge du Ministère des Finances, Mohamed Ali Soilihi.
 
Les militaires auteurs de la fusillade de Mitsoudjé du 10 février 2015, qui a fait des dizaines de blessés graves n’ont jamais été entendus par la justice. Le Président de la République de l’époque, Ikililou Dhoinine avait déclaré avoir été extrêmement choqué par cette fusillade. Il avait expliqué qu’une enquête était nécessaire pour que la vérité apparaisse au grand jour et que les responsabilités soient déterminées ». Cette enquête n’a jamais eu lieu. Les auteurs de la fusillade de Mitsoudjé n’ont jamais été  sanctionnés et l’enquête de l’AND a été enterrée comme toutes les autres enquêtes qui touchent des militaires impliqués dans des fusillades.
 
En avril 2015, des militaires sont entrés dans l’hémicycle de l’Assemblée de l’Union pour bousculer et retenir les députés de l’Union dont l’actuel Ministre de la justice, Fahmi Said Ibrahim,  afin de permettre l’élection de l’actuel Président de l’Assemblée de l’Union.
 
A chaque manifestation ou intervention de nos vaillants soldats, ces derniers tabassent, insultent, tirent et font fi des lois de la République. Ils narguent les autorités et les simples citoyens. Les hommes politiques continuent de couvrir, voire d’encourager ces actes ignobles, ces actesd’insubordination les plus graves et ces  manquements aux valeurs de l’armée et de la police.  Ce 20 février 2017, un simple regroupement des lycéens à Moroni s’est soldé par le lynchage de certains d’ entre eux au sein de leur etablissement et encore une fois une fusillade qui a fait des blessés par balle. Les images du lynchage sauvage et inadmissible d’un lycéen par les gendarmes dans l’enceinte même d’une vice-présidence de la République,  tournent en boucle dans les réseaux sociaux et soulèvent l’indignation de la population.  Encore une fois aucun regret de nos hommes politiques.  
 

Ainsi, la gâchette facile de nos vaillants militaires et policiers  a des beaux jours devant elle, encouragée par  cette impunité insolente et grave pour la sécurité des personnes.Ces politiques qui politisent tout et qui protègent les bavures de l’armée et de la police encouragent le grand désordre qui règne dans ce pays.

Comores droit 

Comoresinfos est un média qui a vu le jour en avril 2012 et qui depuis lors, prône l'indépendance éditoriale. Notre ferme croyance en l'information de qualité, libre de toute influence, reste un pilier essentiel pour soutenir le fonctionnement démocratique.

Soyez le premier à réagir

Réagissez à cet article

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


error: Content is protected !!