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Le législateur organique, sa majesté déchue…

Opinion: La Constitution doit être concise, point de bavardage ni d’effet de manche. Elle dit l’essentiel, le vital, puis renvoie les précisions à plus tard. Mais le constituant sait que le diable se niche dans les détails. Alors, il a confié ce travail à une autorité particulière : le législateur organique. Tellement particulière, qu’elle n’intervient que sur commande expresse du Constituant et à travers une majorité ultra-qualifiée.

La loi organique fait partie de ses objets juridiques que l’on ne peut définir que par tautologie. Mais c’est cette tautologie qui fonde Sa Majesté. Qu’est-ce qu’une loi organique ? C’est une loi que la Constitution elle-même a prévu comme étant organique. Elle a pour mission principale de venir compléter les dires de la Constitution. Lorsque celle-ci affirme par exemple que A pourra faire B. Elle va prévoir que la manière dont A pourra faire B sera précisée par une loi organique. Autrement dit, en l’absence de cette loi organique, A ne pourra pas faire B puisqu’on ne sait pas comment.

Cela emporte deux conséquences. D’abord, où la Constitution a demandé l’intervention d’une loi organique, aucune autre norme ne pourra intervenir à sa place. Ce serait donné à une autorité le privilège que seul le législateur organique a reçu. Ensuite, le silence du législateur organique, ne pouvant être compensé par personne d’autre, provoque l’inapplicabilité de la Constitution. Nous n’avons jamais eu de Conseil supérieur de la magistrature parce qu’une loi organique était exigée qui n’a jamais été adoptée. Pour les mêmes raisons, nous n’avons jamais su le statut des sièges des institutions de l’Union, ni celui de la ville de Moroni, capitale de l’Union, etc.

L’actualité laisse présager une convocation imminente du collège électoral pour notamment élire le président de l’Union sous le contrôle de la Cour suprême. Pour l’un comme pour l’autre, la Constitution de 2018 n’a dit à leur propos que l’essentiel, le vital, elle ne s’est pas épanchée sur les détails. Elle a confié cela au législateur organique. Elle précise dans les derniers alinéas des articles 53 et 96 que les modalités de l’élection et celles de l’intervention du juge de cette dernière seront prévues par des lois organiques. Nous ne disposons d’aucune des deux. On ne pourra pas appliquer les lois organiques en vigueur puisque, elles concernaient les élections présidentielles de l’article 13 et la Cour constitutionnelle de l’article 33, deux dispositions abrogées conformément au nouvel article 116. Le serpent se mord la queue.

Douze mois, c’était peut-être un peu trop court pour réadapter toute la législation d’une nation à une nouvelle constitution. Mais, il faut faire intervenir le législateur organique, avant de convoquer les électeurs, sous peine de voir une Constitution installée au forceps violée par ses propres instigateurs, l’ironie du sort. Elle ferait rire si ce n’est qu’il s’agit aussi du sort de la République.

Mohamed Rafsandjani

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3 commentaires sur Le législateur organique, sa majesté déchue…

  1. je pense que l’essentiel est dévoilé; à celui donc qui veut vraiment comprendre suffisamment le message d’aller jeter un oeil sur les article constitutionnel précité

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