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Covid-19: pour que la vigilance n’enfante pas une société de surveillance

•[Tribune]

Les images de la fourmilière de ces derniers jours du ramadan à Volo-Volo et dans les rues de Moroni, ont fait bondir la toile entre émoi, incompréhension et colère. Autant de réactions compréhensibles au moment où la vigilance de tous reste la principale barrière à la propagation du Covid-19 dont la tendance est à la hausse selon le récent bulletin officiel qui affichait 44 nouveaux cas, le 22 mai dernier. Dans une interview au blog « Canal Anjouan », Dr Anssoufoudine Mohamed faisait observer à l’exemple de certains pays d’Asie, que « la discipline dans les mesures barrières au cours de cette pandémie a permis d’éviter d’une part la mortalité élevée qu’on a observé ailleurs, et de l’autre part, de ne pas avoir recours à un confinement généralisé des populations » qui s’est avéré préjudiciable dans des contextes fragiles comme celui de notre pays (voir les impacts de cette mesure à Mayotte).

Si ces images telles que filmées et diffusées en plans serrés ont pu choquer, il faut cependant prévenir contre les commentaires hystériques qui les ont accompagnées et qui en appellent au recours à la force ou encore à empêcher les gens à ne pas « descendre sur Moroni », autrement dit à les confiner dans leur village. Ce discours radical est plus émotionnel que réaliste. S’il est hasardeux de faire une évaluation statistique, un tour dans ces lieux permet d’observer que près de la moitié des gens sortis pour faire les courses de l’Aid, portaient un masque. Une tendance d’ailleurs en augmentation ces dernières 24h. Ce n’est pas l’idéal certes. Et l’on peut regretter que la distanciation physique n’ait été respectée, Ce qui n’est pas spécifique à ces lieux. Les transports en commun, l’accueil dans certains services administratifs n’ont pas encore réussi cette performance. On ne change pas une culture en un claquement de doigts.

La radicalité du discours que l’on voit poindre et qui ignore les dérives qu’il véhicule, fait l’impasse sur le formidable élan citoyen des comoriens contre le virus. Il oublie qu’aucune décision exigeant le port obligatoire du masque dans l’espace public n’a été officiellement notifiée. Que malgré cela, des particuliers et des associations ont de leur propre chef pris l’initiative de confectionner et d’offrir gratuitement ou à un modique prix, des masques en tissus. Le même élan citoyen qui a permis la mise à disposition au public des points de lavage des mains dans quasiment tous les quartiers de la capitale et devant chaque magasin. Une prise de conscience qui se généralise avec l’évolution de la situation grâce à la mobilisation volontaire des communautés villageoises parfois jusqu’à l’excès. Au lieu de saluer cet élan et d’accompagner un tel sursaut par des actions de soutien afin d’en assurer la pérennité de ces initiatives, l’on assiste à des appels préconisant consciemment ou pas la militarisation de la gestion de la lutte contre le Covid-19 avec les déviances que risque d’entraîner une telle approche.

Il n’est pas question ici d’ouvrir des sources de polémiques, mais d’alerter sur de tels discours au moment où le pays a plus que jamais besoin de faire communauté, de renforcer la solidarité et promouvoir l’humanité en faisant appel à la conscience et à la responsabilité citoyennes pour combattre collectivement cette pandémie. Conscience et responsabilité qui ne sont pas possibles sans l’exigence de vérité dans l’information, de transparence dans les décisions, de pédagogie dans les mesures que prennent les autorités, dans la confrontation de ces mesures et leur validation par les résultats issus du terrain. Toute autre approche non consensuelle, toute instrumentalisation politique et toute vision autoritaire de la gestion de cette pandémie seraient improductives dans le contexte d’un pays où les dynamiques communautaires demeurent de loin plus efficaces que l’organisation politique de l’Etat qui mérite de penser ses missions et de se donner les moyens de les assumer.

Contribution de Kamal Saindou

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