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Budget 2025 : l’État paie pour continuer comme avant, pas pour changer

 

Ces derniers jours, un document budgétaire comorien a largement circulé sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’un extrait de la loi de finances 2025, présentant la répartition des dépenses de certaines institutions clés de l’État : l’Assemblée de l’Union, la Cour suprême et la Présidence de l’Union. Les tableaux, partagés et commentés, ont suscité de nombreuses réactions, souvent focalisées sur les salaires, les augmentations ici, les baisses là.

Les chiffres sont en effet parlants. En 2025, la masse salariale de l’Assemblée de l’Union passe d’environ 673 millions à 785 millions de francs comoriens, soit une hausse de plus de 112 millions. À l’inverse, au niveau de la Présidence de l’Union, les salaires enregistrent une baisse nette : à Beit Salam, ils passent d’environ 177 millions à 121 millions, tandis que le Cabinet de la Présidence voit sa masse salariale chuter de 440 millions à moins de 95 millions. Dans le même temps, les dépenses de biens et services restent globalement stables, et les investissements sont quasiment absents sur l’ensemble des lignes observées.

C’est à partir de ces chiffres, et au-delà des réactions émotionnelles qu’ils ont provoquées, qu’une analyse plus profonde s’impose.

À la lecture du budget 2025, une conclusion s’impose rapidement : le problème des finances publiques comoriennes ne se résume pas à un manque d’argent, ni même à l’absence d’investissement. Le cœur du problème est plus profond, plus politique, et surtout plus invisible : l’absence d’investissement dans la recherche de nouvelles idées et de nouvelles solutions.

Les chiffres montrent un État qui ajuste, rééquilibre, coupe ici, augmente là. Les salaires de certaines institutions montent, ceux d’autres baissent. Les dépenses de fonctionnement se maintiennent. Les investissements structurels, eux, sont quasi inexistants. Mais s’arrêter à ce constat serait une erreur d’analyse. Car l’investissement n’est pas d’abord une ligne budgétaire : c’est une culture politique.

Dans les pays en situation de sous-développement, l’erreur classique consiste à croire que le développement commence par l’argent. Or, l’expérience internationale montre l’inverse : le développement commence par des idées, par la capacité d’un État à formuler des problèmes autrement, à chercher des solutions nouvelles, adaptées à son contexte, à son histoire, à ses ressources humaines.

Dans ce budget, rien n’indique que l’État comorien cherche à penser autrement. Il gère l’existant. Il reconduit les mêmes mécanismes. Il finance les mêmes structures. Il fait tourner la machine administrative, mais il ne finance pas la production de solutions nouvelles.

L’absence d’investissement n’est donc pas seulement financière. Elle est intellectuelle, stratégique et politique. Il n’y a aucune trace d’un effort pour financer la recherche de réponses nouvelles aux problèmes anciens : emploi, productivité, éducation, gouvernance, économie locale, innovation sociale. Pourtant, l’investissement commence précisément là.

Un pays ne peut pas attirer des financements, publics ou privés, s’il n’a rien de nouveau à proposer. On ne finance pas des habitudes. On finance des projets. On finance des visions. On finance des solutions crédibles. Or, pour produire ces solutions, il faut une volonté politique de les chercher.

Cette recherche ne vient pas nécessairement des dirigeants eux-mêmes. Dans de nombreux pays, les idées émergent des universités, des intellectuels, des entrepreneurs, de la diaspora, de la société civile. Mais encore faut-il que l’État crée un cadre, une culture, un espace où ces idées sont sollicitées, écoutées, testées, expérimentées.

Dans le budget 2025, rien ne montre cette volonté. Il n’y a pas de ligne dédiée à l’expérimentation, à la recherche de solutions locales, à l’innovation publique. L’État ne semble pas se poser la question : qu’est-ce que nous faisons différemment cette année ? Il se contente de faire fonctionner ce qui existe déjà, même si cela ne produit pas de résultats structurels.

C’est ici que se situe le vrai blocage politique. Un État qui ne cherche pas de nouvelles idées ne peut pas produire de nouveaux investissements, car il n’a rien à financer. Il tourne en rond, non par manque de moyens, mais par manque d’imagination institutionnelle.

Le paradoxe est cruel : les solutions existent souvent déjà, dans les têtes, dans les territoires, dans la diaspora, dans les expériences d’autres pays comparables. Mais sans une culture politique de la recherche de solutions, ces idées restent invisibles, inexploitées, ignorées.

Tant que l’investissement sera compris uniquement comme une question de financement, et non comme une question de pensée politique, le budget comorien continuera de refléter un État en gestion permanente, incapable de se projeter. On ne peut pas chercher de l’argent pour des solutions que l’on n’a même pas essayé d’imaginer.

Le véritable investissement, aujourd’hui, serait donc d’investir dans la capacité du pays à penser autrement son développement. Le reste viendra ensuite.

ANTUF Chaharane 

En 2016, une maman a déposé une importante quantité d’or à La Meck Moroni en garantie d’un prêt. Après avoir intégralement remboursé ce prêt, l’or aurait dû lui être restitué, mais il a été volé. L’institution a reconnu sa responsabilité, mais depuis, elle garde un silence troublant. Aucun geste de réparation n’a été fait. Méfiez-vous : cette structure n’est pas digne de confiance.

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