
Une vidéo publiée sur TikTok a récemment déclenché une vive polémique sur les réseaux sociaux. On y voit une femme comorienne, en couple avec un homme blanc — surnommé « Mzoungou » dans la culture comorienne — être publiquement humiliée par ce dernier dans ce qui semble être un espace public dédié au sport.
Dans la séquence, la femme tente de s’agripper à une barre d’exercice. Son mari la filme et lui lance avec un ton moqueur : « Les singes arrivent à se pendre, voyons si toi aussi tu peux faire comme un singe. »
Cette phrase, à la fois raciste et dégradante, a provoqué l’indignation. Face à la montée de la colère sur les réseaux, l’homme a présenté des excuses publiques. De son côté, la femme a publié une vidéo dans laquelle elle tente de justifier la scène et répond aux critiques qu’elle reçoit pour avoir toléré cette humiliation.
Mais cette vidéo n’est pas un cas isolé. Plusieurs internautes, après avoir consulté d’autres contenus du couple, affirment que le mari rabaisse fréquemment sa femme dans leurs vidéos. Certains ont même insinué qu’elle accepterait ce traitement pour des raisons administratives, notamment l’obtention de papiers. Toutefois, d’autres sources assurent qu’elle a déjà ses papiers, et qu’elle serait Mahoraise d’origine anjouanaise.
Et c’est là que la question de l’origine prend une tournure sociale. Beaucoup pensent que si cette femme était originaire de la Grande Comore, la situation aurait été bien différente. Dans la tradition grande-comorienne, un individu ne porte pas seulement son propre nom, mais aussi celui de son village et de sa communauté. Une telle humiliation publique aurait très probablement suscité une réaction immédiate, voire des mesures symboliques de réprobation collective. Car dans cette culture, l’honneur ne se gère pas seul : il est défendu et protégé par tous.
Cette affaire met en lumière une réalité plus large et inquiétante : la rupture progressive des liens communautaires chez les Comoriens de la diaspora. Le Comorien moderne, souvent isolé à l’étranger, se retrouve privé de ce filet social et moral qu’assurait autrefois son village. Peut-on encore parler de communauté lorsque la honte n’indigne plus collectivement ? Lorsque chacun devient seul responsable de sa dignité ?
Il est temps de s’interroger : quel avenir pour une communauté qui perd ses repères collectifs ? Que devient un peuple lorsque ses membres ne se sentent plus redevables d’un honneur partagé ? Cette affaire n’est pas seulement choquante, elle est aussi un symptôme. Celui d’un détachement progressif qui laisse les plus vulnérables — souvent les femmes — sans défense, sans appui, sans recours.
ANTUF Chaharane
Réagissez à cet article