
Sous les projecteurs d’une conférence de presse conjointe tenue le mardi 24 avril 2025, le gouvernement comorien a annoncé l’arrivée officielle de la société émiratie Terminals Holding à la tête de l’Aéroport international Prince Saïd Ibrahim dès le 1er mai. Présentée comme une étape décisive pour le secteur aérien national, cette initiative suscite pourtant de vives inquiétudes. Car derrière l’annonce d’une « modernisation historique » se cache une autre réalité : plus de 800 employés des Aéroports des Comores (ADC) perdront leur emploi dans les prochains mois.
Selon les déclarations du Secrétaire général du gouvernement, Nour El Fath Azali, le personnel actuel compte environ 1 000 employés, alors que l’aéroport n’a accueilli que 260 000 passagers en 2024. Ce ratio est jugé excessif par les autorités, qui le comparent aux aéroports voisins : 278 employés pour 1 million de passagers à Madagascar, 400 pour 2,7 millions à La Réunion, ou encore 500 pour 3,8 millions à l’île Maurice. Une justification quantitative qui fait fi des réalités économiques, sociales et historiques locales.
Cette réforme, censée « redresser notre secteur aérien », selon Azali, prévoit un plan social d’ampleur, avec des préavis de 1 à 4 mois et des indemnités globales estimées entre 3 et 4 milliards de francs comoriens. Or, aucune précision n’a été donnée sur les critères exacts de sélection des employés maintenus. La Ministre des Transports, Yasmine Hassane Alfeine, a évoqué des tests et des entretiens, mais sans en publier les résultats ni le processus de sélection. Le risque d’arbitraire ou de favoritisme n’est donc pas à écarter.
Le Directeur de l’AiMPSI, Mimouni Chakira, a appuyé cette stratégie en affirmant que 80 % des revenus de l’aéroport sont aujourd’hui engloutis par les salaires. Mais faut-il pour autant sacrifier plus de 800 emplois sans réelle politique de reconversion ou de relogement professionnel ? La réforme ressemble davantage à un sabrage qu’à une transformation progressive.
Au-delà des conséquences sociales, c’est aussi le caractère opaque du contrat de 25 ans signé avec Terminals Holding qui interpelle. Aucun détail sur la répartition des parts dans la nouvelle société créée, si ce n’est que l’État comorien détiendrait une « minorité de blocage ». Le SGG refuse même de révéler le pourcentage exact de cette participation.
Pire encore, Terminals Holding est liée à Tahnoon bin Zayed al-Nahyan, figure centrale de l’appareil sécuritaire émirati. Des enquêtes du média Middle East Eye révèlent que la société aurait utilisé l’aéroport de Bosaso, en Somalie, pour acheminer des armes aux rebelles RSF au Soudan, et y aurait installé un radar militaire israélien ELM-2084.
À l’heure où les Comores s’apprêtent à accueillir les Jeux des îles de l’océan Indien en 2027, cette modernisation pose une question essentielle : peut-on construire l’avenir en sacrifiant les travailleurs et en bradant notre souveraineté à des partenaires étrangers au passé controversé ?
IBM
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