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Mayotte souffre, brûle et chasse

À Mayotte, on « chasse » les étrangers : la France ne doit plus fermer les yeux.
La situation à Mayotte est extrêmement tendue. Selon la Cimade, sur l’île, plus d’un millier de personnes, pour la plupart comoriennes, ont été expulsée de leur domicile par des habitants depuis le mois de janvier. Pour Nassurdine Haïdari, délégué du Cran PACA et ancien élu socialiste, la France doit enfin prendre ses responsabilités.

Mayotte souffre, brûle et chasse.

Mayotte souffre d’une colonisation qui ne dit pas son nom et d’une départementalisation qui n’est pas encore effective. Mayotte est prise en tenaille entre les eaux troubles d’une République qui fuit ses responsabilités et les vœux pieux d’égalité qui tardent à venir construire le quotidien de la jeunesse mahoraise.

En fait, Mayotte s’inscrit dans ce continuum colonial qui a toujours entretenu la souffrance des populations comme gage de survie, et orchestré l’instrumentalisation de la différence comme facteur de stabilisation.

Une histoire tumultueuse et douloureuse

L’histoire commune et la proclamation l’indépendance avaient créé le Comorien… La colonisation a créé le Mahorais contre le Comorien.

Comment pourrions-nous oublier que la situation actuelle prend racine dans cette indépendance spoliée lors de la consultation du 22 décembre 1974 sur l’indépendance des Comores, où près de 95% des suffrages exprimés sur l’ensemble des quatre îles des Comores avaient en conscience opté pour l’indépendance.

Furieuse et vexée, la France avait recherché par tous les moyens à invalider les résultats en activant certains réseaux d’extrême droite (notamment l’Action française avec Pierre Pujo), et en envoyant au front des milices organisées (les chatouilleuses et les bastonneurs), pour étouffer dans l’œuf toute tentative de contestation. Un caprice colonial condamné par toutes les institutions internationales.

Durant ces 40 dernières années d’occupation, la néo-colonisation a affirmé que les Comoriens ne parlaient pas la même langue, qu’ils n’appartenaient pas au même peuple et ne partageaient point le même espace culturel.

Le Comorien est devenu « l’Étranger » de l’intérieur

La colonisation a insufflé le poison de la division. Et même si la population mahoraise est l’une des plus métissée des îles de l’Océan indien, le « Comorien » est devenu au fil des décennies le visage de la précarité, de la perte de revenu, de l’explosion de la délinquance juvénile, de la taxation foncière, de la pressions fiscale. Bref, le visage du mal et la cause première de tous les problèmes de la vie des habitants de Mayotte.

Le Comorien est devenu « l’Étranger » de l’intérieur, celui qui porte en lui toutes les frustrations d’un avenir compromis et toutes les peurs d’une population acculée par la misère sociale.

Drôle de République, à 8.000 kilomètres de Paris, qui gère cette île comme elle aurait pu administrer jadis un comptoir colonial. Et ces expulsions de femmes et d’enfants, pour l’écrasante majorité, sous la pression du feu, des machettes et des coups, représentent aujourd’hui l’expression la plus vive de cette haine fabriquée à l’encontre des Comoriens.

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Mayotte brûle socialement et économiquement sans pouvoir prétendre à un avenir meilleur.

Les responsables politiques ne peuvent plus rester insensibles

Les boucs émissaires désignés doivent obligatoirement comparaître devant la justice populaire pour répondre à toutes les déceptions d’un peuple délaissé. Abandonné par les autorités successives, de gauche ou de droite – et même comoriennes – qui toutes ont été incapables de résoudre le problème de la misère du peuple comorien.

Aujourd’hui plus que jamais, la question de Mayotte reste explosive. Les responsables politiques de France comme ceux des Comores, qui feignent de ne pas voir ces milliers de malheureux et de morts engloutis par des vagues successives du mépris et de la trahison, ne pourront plus se boucher le nez !

Ces responsables politiques ne pourront plus rester insensibles à ces visages d’enfants dormant à même le sol, criant leurs désarrois, leurs désespoirs, face à une république prompte à condamner par le verbe mais incapable d’arrêter ces exactions punitives dans les rues de Tsimkoura, de Poroani, de Mbouini, de Choungui, de Mtsangamboua, de Koungoun et de Bouéni.

Mayotte chasse son mal en envoyant des hommes, des femmes et des enfants comoriens, apeurés, hors des villages.

Une île gangrenée par la violence, la misère et le désespoir

Le mode opératoire est simple mais d’une redoutable efficacité : rentrer dans les Bangas (maison de fortune), détruire les habitations, agresser verbalement ou physiquement les personnes présentes sans aucune distinction et donner comme consigne claire, la valise ou le cercueil.

Mayotte chasse en meute ses immigrés, car comme l’affirme le porte-parole du gouvernement, Stéphane le Foll, l’immigration comorienne est un problème ! Alors comment condamner ceux qui, conscients du problème, décident de l’expulser ?

Toute l’ambiguïté de la présence française sur cette île comorienne est là. Incarnée, d’une part, par cette position tranchante qui justifie implicitement les expulsions, et d’autre part par le communiqué des ministres de l’Intérieur et de l’Outre-mer qui condamnent à juste titre ces agissements, en annonçant des poursuites judiciaires.

Une duplicité déconcertante où la fermeté de l’État, face à des actes xénophobes, épouse les thèses les plus rances faisant de l’immigration comorienne la responsable de cette situation. Devant cette explosion de xénophobie, les mots ne suffiront pas à ramener le calme et la sérénité dans une île gangrenée par la violence, la misère, le chômage, et le désespoir.

À quand une réponse politique de la France et des Comores ?

La France devra tôt ou tard se conformer au droit international et retrouver les chemins de la raison devant la gravité de la situation. Celle-ci pourrait bien se finir tragiquement par la balkanisation de Mayotte. Les Comores devront également prendre leurs responsabilités en améliorant les conditions de vie de leurs populations pour qu’elles ne bravent plus la mort pour se donner une raison de vivre et d’espérer.

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Sous ce chaos mahorais, des solutions existent. Elles commencent par une prise en charge de ces populations en situation d’urgence et par la mise en place d’une mission parlementaire travaillant main dans la main avec les parlementaires comoriens, afin de ne plus accepter que sur ce territoire la violence devienne la seule issue.

Les associations présentes sur le terrain devront également être accompagnées pour répondre à la détresse de ces familles livrées à la vindicte populaire. Mais sans réponse politique forte de la France et des Comores, la situation ira de mal en pis. Des expulsions, des exactions et des morts…

Si rien ne change, des vies cassées, éteintes, viendront inexorablement s’échouer sur ces rives du désespoir et de la désolation sans pour autant arrêter ces drames de « kwassa », qui constituent dans une cruelle indifférence le plus grand cimetière marin du monde.

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