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La Cour de sûreté a-t-elle une existence légale ?

Par FSY / LGDC

Alors que différents procès s’ouvrent cette semaine auprès de la Cour de sûreté de l’Etat, la légalité de celle-ci prête à débat. Pour Mohamed Rafsandjani, Doctorant en droit public, la Cour de sûreté n’a aucune existence légale, puisque la loi organique relative à l’organisation judiciaire en Union des Comores de 2005 n’en a pas fait mention. Quant à Ahamed Ali Abdallah, avocat au Barreau de Moroni, il estime au contraire que son existence est légale puisque qu’elle n’a jamais été abrogée ni remplacée par une loi postérieure à sa création.

Par Ahamed Ali Abdallah,

Avocat au Barreau de Moroni

« La loi portant création de la Cour de Sûreté de l’État est encore en vigueur. Créée le 4 mars1981, cette loi n’a jamais été ni remplacée ni abrogée par une loi postérieure à sa création. La justice a eu recours à cette loi pour juger les membres du Front Démocratique poursuivis en Mars1985 pour atteinte à la Sûreté de l’État. En 2013 également la justice a eu recours à cette fameuse loi pour statuer sur le cas d’une tentative de coup d’État contre le régime du Président Ikililou Dhoinine.

Aujourd’hui encore, cette Cour a le droit d’exister. Maintenant, pour ce qui est sa compétence pour juger des délits de Droit commun, comme les présumés innocents poursuivis dans l’affaire du gendarme agressé au quartier sans fil, je suis d’avis contraire. Je conclus en disant que cette Cour est contraire aux principes fondamentaux des droits de l’homme et particulièrement le droit à la défense puisque les décisions de la Cour de sureté sont insusceptibles de recours. Seul le droit de grâce peut mettre fin à la décision prise par cette juridiction d’exception.

Je rajoute par ailleurs que cette Cour ne pouvait être incluse dans la loi de 2005 portant organisation de l’ordre judiciaire puisqu’il s’agit d’une juridiction d’exception. D’ailleurs ses membres sont nommés pour une durée d’une année. Elle ne siège pas en permanence comme les autres juridictions de l’ordre judiciaire à l’instar de la Chambre Correctionnelle, commerciale et civile pour ne pas les citer ».

Par Mohamed Rafsandjani,

Doctorant en Droit public

Chargé d’enseignement à l’Université de Toulon

« Il est des controverses juridiques comme ça, qui n’ont de pertinence que politique. Celle entourant la Cour de sûreté de l’Etat est de celles-là. Il se pose aujourd’hui la question de sa légalité. A ce propos, il est évident qu’elle n’en jouit pas. Il s’agit d’une juridiction d’exception héritée de l’ancienne législation coloniale, notamment du code de procédure pénale français et réinsérée en droit comorien par une loi du 4 mars 1981 de l’Assemblée fédérale de la défunte République Fédérale Islamique des Comores. Cette loi réservait à la Cour de sûreté de l’Etat le soin de juger les crimes et délits politiques prévus par le code pénal comorien.

Seulement, après l’instauration de l’Union des Comores, une loi organique prévue par la constitution a été adoptée portant sur l’organisation judiciaire de l’Union des Comores. Pour le dire simplement, cette loi organique donc à la fois postérieure et supérieure à la simple loi ordinaire de 1981, prévoit toutes les juridictions qui peuvent rendre la Justice aux Comores. Mieux, elle précise bien que seules celles citées peuvent prononcer des condamnations. Or, cette loi organique ne fait nullement mention de la Cour de sûreté de l’Etat. Par conséquent, cette juridiction n’existe pas aujourd’hui dans l’organisation judiciaire de la République. Elle n’a aucune base légale.

D’aucuns affirment que c’est parce qu’elle est une juridiction d’exception, elle n’avait pas à y être mentionnée. C’est ignorer que juridiquement, l’exceptionnel ne se présume pas. Parce qu’elle est une dérogation au droit commun normal, une exception est toujours prévue par les textes sinon elle n’existe pas. Quant à la Cour constitutionnelle, elle n’était pas non plus mentionnée dans cette loi organique mais, c’est parce qu’elle l’avait été par plus éminent que le législateur organique : la Constitution ».

Propos recueillis par Fsy

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