L’entretien accordé par le Père Jean-Claude Mij Riy à La Gazette des Comores se présente comme une réflexion sur la tolérance et la cohabitation religieuse. Pourtant, en filigrane, il révèle une incompréhension notable du contexte comorien et des limites qui encadrent la présence de l’Église catholique dans l’archipel.
Le prêtre parle de “minorité religieuse locale”, de “coexistence pacifique” et de relations institutionnelles harmonieuses. Mais ce choix lexical porte à confusion. Il n’existe pas, aux Comores, de minorité chrétienne comorienne. Les fidèles chrétiens installés dans le pays sont essentiellement des étrangers, en mission, en poste temporaire, employés d’ONG, de chancelleries ou d’institutions internationales. Il ne s’agit pas d’un groupe enraciné dans la population nationale.
Comme l’avait résumé un intervenant malgache dans une émission de RTA Madagascar en 2022, à propos de la présence comorienne à Antananarivo :
« Les étrangers ne font pas partie de la population, ils font seulement partie du décor. »
Ce constat, transposable à d’autres contextes, rappelle que la notion de “minorité” suppose un ancrage historique local, ce qui n’est pas le cas ici.
Aux Comores, la ligne est claire : les étrangers sont libres de pratiquer leur foi, conformément à la tradition d’hospitalité du pays. En revanche, l’apostasie et la conversion de Comoriens vers d’autres religions ne sont pas reconnues. Aucune autorité religieuse ni institution civile n’accorde le statut de “converti” à un citoyen comorien. Ce principe, profondément ancré dans la structure sociale et juridique du pays, ne relève ni de la polémique ni du débat : il s’inscrit dans l’équilibre national.
Dans ce contexte, les propos du prêtre sur la tolérance et l’ouverture peuvent donner l’impression d’un glissement : transformer une présence étrangère tolérée en “minorité locale” reconnue. L’ambiguïté se renforce lorsqu’il évoque la création d’une école, projet sensible dans un pays où l’éducation est étroitement liée à l’identité culturelle et religieuse. Le ministère, prudent, ne s’y trompe pas.
Les courtoisies institutionnelles invitations officielles, échanges de vœux, rencontres avec le Muftorat ne doivent pas être interprétées comme une reconnaissance d’un pluralisme interne. Il s’agit de diplomatie, d’hospitalité, d’un savoir-vivre national, non d’un changement de structure sociale.
La société comorienne n’a jamais exprimé d’hostilité envers les étrangers pratiquant le christianisme. Mais elle reste ferme sur l’essentiel :
Nous n’avons rien contre vous,
mais nous ne voulons pas de cela chez nous au sens où l’on ne souhaite pas voir émerger une rupture avec l’identité religieuse collective.
Ainsi, l’interview du prêtre, au-delà de son ton courtois, met en lumière un décalage entre un discours importé et une réalité comorienne ancrée, structurée, assumée.
IBM


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