
Moroni, Comores – Dans une déclaration qui ne laisse personne indifférent, Djaffar Salim, ancien ministre comorien et figure politique originaire d’Anjouan, a lancé un message tranchant à l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, actuellement détenu : « Il doit arrêter d’être orgueilleux. S’il veut sortir de prison, qu’il aille baiser la main du président Azali Assoumani. »
Cette sortie verbale marque un tournant dans les débats autour de la situation de Sambi, emprisonné depuis 2018 dans ce que de nombreuses organisations de défense des droits humains considèrent comme une détention arbitraire.
Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, président des Comores de 2006 à 2011, est accusé de détournement de fonds dans le cadre du programme de citoyenneté économique, qui vendait des passeports comoriens à des apatrides ou investisseurs étrangers. Lancé sous son mandat, ce programme devait rapporter des fonds à l’État, mais une gestion opaque et des détournements supposés ont mené à un vaste scandale.
Sambi a été placé en résidence surveillée en mai 2018, puis transféré en détention. En novembre 2022, il a été condamné à la prison à perpétuité pour « haute trahison » par la Cour de sûreté de l’État, une juridiction d’exception dont les décisions ne peuvent faire l’objet d’appel. Sa détention a été largement critiquée pour avoir dépassé la durée légale et pour le manque de preuves solides. Des voix aux Comores et à l’international, dont des experts des Nations unies, ont dénoncé une procédure entachée d’irrégularités et une instrumentalisation politique de la justice.
Originaire de l’île d’Anjouan, Djaffar Salim, surnommé « Sarkozy » pour son tempérament énergique, a été ministre de l’Éducation puis ministre des Sports. Aujourd’hui retiré du gouvernement, il reste actif dans les débats politiques comoriens. Ancien proche de cercles séparatistes durant l’époque troublée de Mohamed Bacar à Anjouan, il est connu pour ses déclarations franches et son ton sans détour.
Dans ses propos, Djaffar Salim accuse Sambi d’orgueil mal placé : « Il sait que seul Azali peut le libérer. Qu’il prenne une feuille et écrive une lettre de pardon, ou qu’il se lève et vienne baiser sa main. Mais il ne le fera pas, car il est trop fier.
Cette déclaration, jugée provocatrice par certains, relance le débat sur les conditions de la libération de Sambi, alors que beaucoup continuent de demander une grâce présidentielle ou une révision équitable de son procès.
Pour d’autres, les propos de Djaffar illustrent la manière dont certains anciens alliés du régime se retournent contre Sambi, et soulèvent une inquiétude plus large : la justice aux Comores dépend-elle désormais d’actes de soumission personnelle, plutôt que du droit ?
La déclaration de Djaffar, aussi choquante soit-elle, met en lumière la profonde fracture politique qui divise encore la classe dirigeante comorienne, et l’urgence d’un apaisement fondé sur la justice et la réconciliation.
ANTUF Chaharane
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