
Dans les années 1970, alors que les Comores se dirigeaient vers l’indépendance, un groupe de Mahorais courageux s’est opposé à la volonté majoritaire de leur île, plaidant pour l’unité de l’archipel et la fin de la colonisation française. Connus sous le nom de « serrer-la-main », ces militants indépendantistes ont été marginalisés, persécutés et, pour beaucoup, contraints de s’exiler vers les autres îles des Comores. Leur combat, bien que vain sur le moment, s’inscrivait pourtant dans la grande dynamique historique de la décolonisation.
Alors que la majorité des Mahorais exprimait une volonté de rester sous administration française, les « serrer-la-main » défendaient l’idée que Mayotte appartenait aux Comores, et que son avenir devait être celui d’un État libre aux côtés de ses sœurs Anjouan, Mohéli et la Grande Comore. Ces militants voyaient en l’unité de l’archipel une nécessité historique et géopolitique, un choix légitime dans la vague des indépendances africaines.
Mais à Mayotte, ils faisaient face à un courant puissant en faveur du maintien dans la République française, porté par des leaders politiques et des mouvements tels que les « soroda », qui les considéraient comme des traîtres à leur cause. Les « serrer-la-main » étaient souvent méprisés, caricaturés et attaqués verbalement ou physiquement. La répression sociale et politique qu’ils ont subie a contraint nombre d’entre eux à fuir Mayotte, trouvant refuge sur les autres îles comoriennes où ils ont tenté de reconstruire leur vie.
Aujourd’hui, l’histoire officielle des Comores parle peu de ces héros de l’unité. Leur combat est rarement mis en avant, et leur mémoire semble effacée au profit d’un récit dominant qui se concentre sur la fracture entre Mayotte et le reste de l’archipel. Pourtant, ces militants étaient des visionnaires, inscrivant leur action dans une logique historique plus vaste : celle de la libération des peuples face à la domination coloniale.
Si leur rêve d’une Mayotte comorienne n’a pas vu le jour, leur engagement mérite d’être reconnu et honoré. Ils ont résisté à l’isolement, à la répression et à l’exil pour défendre une idée juste : celle d’une souveraineté partagée entre les quatre îles, dans un destin commun.
Rendre hommage aux « serrer-la-main », c’est rappeler que l’histoire ne se limite pas aux récits des vainqueurs. C’est reconnaître que, dans la lutte pour l’unité des Comores, certains Mahorais ont payé le prix fort pour avoir cru en un idéal. Leur engagement, bien que minoritaire, fut celui de la cohérence historique et du rejet du colonialisme.
Il est temps que les Comores leur redonnent la place qu’ils méritent dans l’histoire nationale. Leur combat doit être enseigné, raconté et transmis aux générations futures. Car au-delà de la division qui persiste, ces héros mahorais symbolisent une autre possibilité, celle d’une histoire où Mayotte aurait suivi le même chemin que ses sœurs. Un chemin que beaucoup, aujourd’hui encore, considèrent comme inachevé.
Said Hassan Oumouri
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