
Depuis ce samedi 10 mai, Abdousalami Ibrahim Mpingo, connu sous le nom de « Bachar », est bel et bien de retour aux Comores. Extradé de Tanzanie après plusieurs jours de détention, l’activiste comorien, réputé pour ses vidéos incendiaires sur les réseaux sociaux, a été placé en garde à vue dès son arrivée à Moroni. Il est désormais incarcéré à la Maison d’arrêt de Moroni, inculpé notamment pour escroquerie présumée et d’autres motifs….
Mais cette arrestation pourrait bien avoir des répercussions au plus haut sommet de l’État. Selon des informations obtenues par Comoresinfos, cette affaire ravive une proposition jusque-là restée dans l’ombre : celle de refuser le renouvellement des passeports aux Comoriens vivant à l’étranger — notamment en France — qui se livrent à des insultes répétées contre les institutions et personnalités comoriennes.
Une idée controversée, mais juridiquement possible
Un membre influent du gouvernement aurait, dans le passé, soumis cette mesure au président Azali Assoumani. L’objectif : sanctionner non pas les opinions politiques ou les critiques argumentées, mais les insultes publiques et répétées envers les autorités. Pour ces responsables, il ne s’agit pas d’opposition politique, mais de dérives verbales volontairement diffamatoires, souvent proférées derrière l’écran d’un téléphone, à des milliers de kilomètres, dans un sentiment d’impunité.
La mesure consisterait à ne pas renouveler le passeport des ressortissants identifiés comme auteurs d’injures graves, les plaçant ainsi en situation irrégulière dans leur pays d’accueil. En France, cela pourrait entraîner une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et, à terme, leur retour forcé aux Comores. Là, la justice nationale pourrait alors les poursuivre selon le droit comorien.
À l’époque, le président Azali avait refusé d’entériner cette démarche, sans doute conscient des implications juridiques et diplomatiques qu’elle pourrait engendrer. Mais avec l’arrestation de Bachar et son extradition réussie, l’idée referait surface dans certains cercles du pouvoir.
Insultes ou liberté d’expression ?
La question divise. Les insultes envers des personnalités publiques ne relèvent pas du débat démocratique ou de la critique politique : elles atteignent l’honneur, la dignité et parfois la sécurité des intéressés. Pour les autorités comoriennes, il ne s’agit pas de museler l’opposition, mais de mettre un frein à une dérive verbale qui s’intensifie sur les réseaux sociaux.
Bachar, pour sa part, est accusé d’avoir franchi cette ligne à de multiples reprises. Il aurait diffusé des propos injurieux visant des responsables de l’État, mais aussi révélé des informations personnelles et confidentielles sur la santé de hauts dirigeants, dont la Première Dame. Ce samedi, après son arrivée, il a été longuement entendu par la justice et une information judiciaire a été ouverte.
Un précédent qui pourrait faire école
L’affaire Bachar est ainsi devenue un cas d’école. Si la proposition de priver certains citoyens de passeport est relancée, ce serait un signal fort adressé à une frange de la diaspora accusée de franchir la limite du respect et de la décence. Mais le journaliste Nono devra aussi être arrêté et jugé pour insultes si la mesure est prise.
Cette approche soulève néanmoins des interrogations légitimes sur les droits fondamentaux, notamment celui à l’identité et à la liberté d’expression. Mais les autorités insistent : il ne s’agit pas de faire taire les opposants, mais de rappeler que la liberté d’expression n’autorise pas la diffamation ni l’insulte publique.
Le débat est désormais relancé. Reste à savoir si l’arrestation de Bachar ouvrira la voie à une doctrine de fermeté envers ceux qui, sous couvert d’exil, insultent à répétition les institutions et notables comoriens.
Misbah Said
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