À Mayotte, où chaque bouteille d’eau est devenue un symbole de survie, une révélation fait scandale. La préfecture reconnaît avoir vendu des stocks d’eau initialement destinés aux sinistrés du cyclone Chido, tout en dénonçant des “inexactitudes” dans un article de Mayotte Hebdo.
Officiellement, tout s’est fait “dans les règles de publicité et de transparence”. Mais pour beaucoup d’habitants, cette affaire illustre un malaise plus profond : celui d’un territoire où l’eau manque, et où la confiance envers l’État s’évapore.
Une vente discrète mais bien réelle
Le 2 juin dernier, plusieurs palettes de bouteilles d’eau issues des stocks d’urgence de l’État ont été vendues à des entreprises privées.
Après le passage du cyclone Chido, près de deux millions de bouteilles avaient pourtant été distribuées gratuitement à la population. Cette opération, financée par l’État, devait s’arrêter une fois “la disponibilité de l’eau rétablie dans les magasins”.
Mais face à des stocks restants entreposés à Longoni, la préfecture a choisi de les écouler auprès d’institutions, d’associations et de mairies volontaires pour éviter toute perte. Pour les acteurs privés, explique-t-elle, l’administration “ne pouvant faire de dons”, a procédé à une vente “dans les règles”.
“L’État ne fait pas d’humanitaire”
Dans son droit de réponse, la préfecture conteste l’article de Mayotte Hebdo, mais confirme les faits principaux.Elle affirme que les quatre acheteurs ne sont pas des supermarchés ou des distributeurs, comme évoqué dans l’article, mais “des entreprises non commerciales”.Et précise que l’eau vendue ne provenait pas de dons humanitaires :“L’État ne fait pas d’humanitaire, ce sont ses fonds propres”, insiste le communiqué.
Une deuxième vente annulée, mais la polémique persiste
Une seconde vente prévue en octobre a finalement été annulée, après qu’une institution publique a manifesté son intérêt pour les bouteilles restantes.
Entre-temps, une nouvelle distribution gratuite d’eau a été organisée du 9 au 20 octobre pour les habitants vulnérables, durant les travaux de l’usine de potabilisation d’Ouroveni.
Malgré ces précisions, le mécontentement persiste. La préfecture dit se réserver le droit d’engager des poursuites pour diffamation, tandis qu’un citoyen, Chadouli Youssouf, a déposé un signalement auprès du procureur de la République.
“Même si la plainte est classée sans suite, ce n’est pas normal que la préfecture vende de l’eau destinée à la population”, déplore-t-il.
Une affaire qui dépasse la simple vente
Au-delà des explications administratives, cette affaire ravive la colère d’une population confrontée à la pénurie d’eau depuis des mois.Sur un territoire où les robinets restent souvent à sec, la vente de bouteilles d’urgence — même “régulière” apparaît comme une trahison morale.Dans un contexte de crise, cette affaire pose une question simple mais brûlante :quand l’État gère la soif, jusqu’où peut-il aller pour justifier ses choix ?
ANTUF Chaharane


Réagissez à cet article