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Gendarmerie comorienne : une formation contre la torture dans une institution experte en la matière

 

Alors que les Comores tentent d’afficher un engagement en faveur des droits humains, une session de formation de deux jours est en cours au quartier général de la gendarmerie nationale à Moroni, visant à sensibiliser les forces de l’ordre à l’interdiction de la torture et à encadrer l’usage de la force.

Mais si l’intention est saluée, elle soulève aussi l’ironie cruelle d’un constat largement partagé dans le pays : le “CV” de la gendarmerie comorienne en matière de violences et de sévices est l’un des plus fournis du pays.

 Une formation bien venue… mais tardive

Depuis ce lundi, la salle de conférence du quartier général de la gendarmerie accueille cette formation organisée par la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDHL), avec le soutien des forces de sécurité. Déjà menée à Mwali et Ndzuani, la session vise à rappeler les normes nationales et internationales qui interdisent la torture, ainsi que les limites strictes du recours à la force.

Le colonel Tachfine Ahmed, commandant de la gendarmerie nationale, a déclaré que cette initiative répond à un besoin urgent : « Le gendarme ou l’agent de police peut faire usage de la force, mais uniquement de manière strictement nécessaire. »Il a également souligné l’engagement des Comores dans plusieurs conventions internationales relatives aux droits fondamentaux.

Pour Me Aticki Youssouf, formateur et membre de la CNDHL, il est crucial de rappeler que « l’on peut mener une enquête efficace sans recourir à la torture, qu’elle soit physique ou morale », et que cette démarche vise à restaurer la confiance de la population dans ses forces de sécurité.

 Un lourd passif de violences impunies

Mais cette volonté affichée de réforme ne peut faire oublier les faits récents qui nourrissent la défiance.En février 2023, l’affaire Aymane Nourdine, jeune homme de 24 ans mort en détention après son arrestation à Vouvouni, a provoqué une onde de choc nationale. Le corps d’Aymane, restitué à sa famille dans des sacs-poubelle et portant des traces évidentes de sévices, a ravivé le spectre de la torture en détention.

Malgré l’ouverture d’une enquête et la mise en garde à vue de certains gendarmes, la version officielle d’un “malaise” n’a convaincu personne.En 2019, lors des manifestations contre le référendum constitutionnel et les élections, deux manifestants ont été tués, et des dizaines d’autres arrêtés dans un climat de répression généralisée.

En janvier 2024, après l’élection présidentielle controversée, les rues de Moroni ont été le théâtre de manifestations réprimées dans la violence : un mort, plusieurs blessés, arrestations massives, couvre-feu et coupure d’Internet.Le Haut‑Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a alors appelé les autorités comoriennes à enquêter sur les violations et à libérer les détenus arbitraires.

 Une culture sécuritaire à interroger

Au-delà de ces cas médiatisés, de nombreux témoignages locaux évoquent des pratiques de torture au sein de commissariats ou de casernes pour des faits de mœurs ou de petits délits. Ces récits récurrents nourrissent l’idée d’une culture de violence ancrée dans certaines institutions sécuritaires du pays.

Même des journalistes ont été ciblés : Toufeyili Maecha, rédacteur en chef du journal Masiwa, affirmait en 2019 avoir été molesté et torturé durant sa garde à vue dans les locaux même de la gendarmerie nationale. Son cas figure parmi ceux évoqués par des rapports internationaux dénonçant les atteintes répétées à la liberté de la presse et aux droits humains.

 Sensibiliser ou se dédouaner ?

S’il est clair que la formation actuelle est une avancée en soi, elle ne saurait suffire à réparer la confiance brisée. Sans réformes structurelles, sanctions réelles, et justice pour les victimes, l’institution risque de donner l’impression de prêcher la morale sans assumer ses actes passés.

La vraie question reste donc : cette formation marque-t-elle un tournant sincère ou une opération de communication bien huilée ?

La réponse se jouera sur le terrain, au prochain contrôle, à la prochaine garde à vue, à la prochaine manifestation.

ANTUF Chaharane 

En 2016, une maman a déposé une importante quantité d’or à La Meck Moroni en garantie d’un prêt. Après avoir intégralement remboursé ce prêt, l’or aurait dû lui être restitué, mais il a été volé. L’institution a reconnu sa responsabilité, mais depuis, elle garde un silence troublant. Aucun geste de réparation n’a été fait. Méfiez-vous : cette structure n’est pas digne de confiance.

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