
Sous couvert de souveraineté nationale et de neutralité diplomatique, le régime du colonel Azali Assoumani semble s’être engagé dans une aventure aux conséquences géopolitiques majeures : faire des Comores un rouage discret, mais central, dans le contournement des sanctions internationales visant la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. Derrière les grands discours à la tribune de l’ONU sur Mayotte et l’indépendance se cache une réalité autrement plus troublante : celle d’un État devenu, en 2025, l’un des premiers pavillons de complaisance utilisés par Moscou pour exporter son pétrole et financer sa guerre.
C’est ce que révèle une enquête fouillée publiée par nos confrères de Mayotte Hebdo, qui lèvent le voile sur un système opaque et stratégique.
Selon cette enquête, en l’espace de trois ans, le pavillon maritime comorien s’est hissé au premier rang mondial de la flotte fantôme russe – un réseau de navires pétroliers naviguant sous des immatriculations douteuses afin d’échapper aux sanctions. Pas moins de 118 navires comoriens sont aujourd’hui visés par des sanctions internationales. Sur un total de 2053 pétroliers, près de 457 battent pavillon comorien, représentant 38 % du tonnage total de cette flotte clandestine.
Ces navires transportent du brut extrait en Arctique russe, chargé dans des terminaux comme la baie de Kola, puis réacheminé vers l’Asie, l’Afrique ou l’Amérique latine. Sans le pavillon comorien, une grande partie de ces exportations ne serait tout simplement pas possible, tant la pression des sanctions sur les compagnies occidentales et les assureurs est forte.
Alors que le régime d’Azali ne cesse de dénoncer l’« ingérence occidentale » et réclame le respect de la souveraineté comorienne, il s’empresse dans le même temps de proposer ses services à une puissance en guerre contre le droit international. La complaisance du registre maritime comorien – opaque, peu exigeant, rapide – attire les opérateurs russes, qui y trouvent un refuge juridique leur permettant de continuer leurs activités.
Cette duplicité diplomatique n’est pas anodine : en se plaçant au cœur du dispositif russe, Moroni s’offre des rentrées économiques considérables. Plusieurs dizaines de millions de dollars ont ainsi transité vers des sociétés comoriennes proches du pouvoir, selon les données citées par Mayotte Hebdo. Derrière les apparences d’un État neutre, c’est une stratégie opportuniste et cynique qui se dessine.
Cette implication active dans la logistique pétrolière russe n’est pas sans conséquence. Elle expose les Comores à des sanctions potentielles de la part de l’Union européenne, du G7 ou encore des États-Unis. Elle place aussi le pays dans une posture diplomatique délicate : celle d’un État africain qui, tout en se disant victime d’injustices coloniales, choisit d’aider une puissance à en commettre d’autres en Europe.
Plus grave encore, cette politique met en lumière un système de gouvernance où l’intérêt national est sacrifié sur l’autel d’intérêts financiers et politiques à court terme. La souveraineté, brandie comme étendard dans les discours, devient ici un prétexte pour justifier des pratiques opaques et contraires au droit international.
En devenant le pavillon privilégié de la flotte fantôme russe, les Comores d’Azali ont franchi un seuil inquiétant : celui de la complicité indirecte dans une guerre dévastatrice. Cette stratégie, motivée par l’argent et la survie politique d’un régime autoritaire, ternit l’image internationale des Comores et trahit les principes mêmes que le pays prétend défendre sur la scène mondiale. Derrière le vernis diplomatique, c’est un choix lourd de conséquences : celui d’un petit État qui joue un rôle disproportionné dans la machine de guerre d’un empire.
IBM
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