
Les mots ont un poids, et certains résonnent comme des gifles en plein visage. En affirmant sans détour que « Mayotte est française » lors d’une intervention à l’Université des Comores, l’ancien député français Saïd Ahamada n’a pas simplement fait une déclaration politique : il a ravivé une plaie ouverte, jamais refermée, dans l’histoire tumultueuse des relations franco-comoriennes.
La réaction du ministre comorien de l’Éducation nationale n’a pas tardé. Et elle a eu le ton qu’impose l’indignation. Dans une déclaration cinglante, il dénonce une vision « cynique et profondément déconnectée de la réalité historique, politique et identitaire de notre nation ». Le message est clair : Mayotte n’est pas une carte géopolitique à brandir pour parler d’opportunités ou de coopération. C’est une terre comorienne, arrachée, selon les termes du ministre, « dans une occupation illégale par une puissance étrangère ».
Mais au-delà de la forme, la sortie de Saïd Ahamada soulève une vieille habitude coloniale : parler des Comores, aux Comoriens, sans les Comoriens. Comme si l’Histoire pouvait être réécrite à la tribune d’une conférence, comme si les douleurs pouvaient être balayées par une formule paternaliste. Mayotte, pour beaucoup, n’est pas un sujet de débat mais un symbole de l’injustice, un rappel que le droit international peut être allègrement ignoré quand il s’agit d’intérêts français.
Ce qui choque dans les propos de l’ancien député, c’est leur tonalité presque condescendante : présenter la départementalisation de Mayotte comme un atout pour les Comores revient à demander à une nation spoliée d’y voir une chance. Un peu comme si un voleur expliquait à sa victime que son acte lui permettra de mieux gérer son budget.
À ceux qui voudraient réduire ce différend à une querelle passée ou à une réalité figée, la réponse du ministre est sans équivoque : « Il n’y a pas, et il n’y aura jamais, de prix ni de compromis possible sur la souveraineté comorienne de Mayotte ». Une phrase lourde de sens, à l’heure où les rapports entre la France et les Comores oscillent entre coopération forcée et tensions diplomatiques.
Ce bras de fer diplomatique, vieux de plus de 40 ans, prend une nouvelle dimension dans les salles de classe, là où se forme la jeunesse comorienne. Pour le ministre, l’enjeu n’est pas seulement territorial mais aussi identitaire : « La jeunesse comorienne ne doit pas se contenter d’un discours d’abandon ou de résignation ». Il appelle à une éducation fondée sur la fierté, la mémoire et la conscience politique.
L’affaire Ahamada ne sera sans doute qu’un épisode de plus dans le long feuilleton du contentieux autour de Mayotte. Mais elle rappelle, une fois encore, que le sujet reste brûlant, sensible, et que chaque mot prononcé peut rallumer le feu sous la cendre.
Mohamed Youssouf
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