
Comores, le Désenchantement de l’Indépendance : 6 Juillet 1975- 6 Juillet 2025 Presque Cinquante (50) Ans après !
« Les peuples n’ayant pas de mémoire, n’ont plus d’avenir… » Charles DE Gaulle Mémoire de Guerre.
Avant 1975, la classe politique Comorienne de toute tendance confondue, luttait pour réaliser ce rêve : indépendance « UHURU » en langue locale. Au simple paysan « UHURU » fera miroiter des crédits agricoles, une nourriture plus abondante, des écoles pour ses enfants. L’employé de bureau pourra espérer accéder à des fonctions exécutives. L’apprenti ouvrier pourra voir à travers le mot « indépendance » de devenir technicien ; l’écolier, le lycéen, une chance d’obtenir une bourse pour poursuivre ses études supérieures à l’étranger, le malade la possibilité d’être hospitalisé dans les meilleures conditions et de se faire soigner.
Le travailleur, le citoyen ordinaire, l’espoir de bénéficier des conditions beaucoup plus meilleures pour vivre heureux. Les leaders, les intellectuels comoriens ; ceux de la diaspora comorienne de France comme ceux de la gauche française, avaient promis à la population, démocratie, développement économique, électrification rurale, routes goudronnées, puits d’irrigation, hôpitaux publics, écoles, marchés, alimentation saine, des salaires réguliers chaque fin du mois, etc…, une sorte de grand bond en avant qui allait projeter en quelques années seulement, un archipel des Comores quasi médiéval vers des lendemains meilleurs.
C’est ainsi que le 6 juillet 1975, la population comorienne, derrière la classe politique de l’époque, toutes tendances confondues, s’était mobilisée pour réaliser « le rêve », assister en direct à la chambre des députés, la proclamation de l’indépendance par les élus comoriens.
Cependant si aujourd’hui, bon nombre de nos citoyens sont désenchantés de cette indépendance, notamment nos frères Maorais, et d’autres encore dans les autres îles, c’est parce que, les gouvernants successifs de ce beau pays, depuis le 6 juillet 1975, se sont occupés de tout, sauf de la vie quotidienne des citoyens surtout les plus modestes. Nos gouvernants ont peut-être oublié que le vrai problème, l’origine du mal comorien c’est la pauvreté.
Pendant pratiquement un demi-siècle d’indépendance, les conditions d’existence et de vie, ne retiennent pas notre jeunesse à rêver d’ici, mais plutôt d’ailleurs. Et on se demande pourquoi ? Les raisons sont multiples. Cette indépendance a été phagocytée par un magma d’individus, un groupe ultra corrompu et mafieux, capable même de vendre à leur profit les insignes de la citoyenneté.
A ceux qui pensent que la survie de notre indépendance est de peu d’intérêt et que cela ne leur préoccupe guère, rappelons que le moins mauvais que nous ayons à faire pendant les années à venir, voire quelques décennies, c’est de nous mobiliser tous à lutter contre les maux qui rongent notre société, notamment la pauvreté.
Sa disparition, entrainera la mise en place d’une société qui respectera les règles, et donc les lois, les libertés, l’égalité devant la justice. Pour cela, il existe une évidence : aux gouvernants comme aux gouvernés, il faudra que chacun accepte de se plier à la règle de droit, dont le fondement réside dans la loi, laquelle est issue de la souveraineté démocratique.
Pour en arriver là, il nous faudra encore mener d’autres luttes, contre les mafieux et les corrompus de toutes sortes, contre les associations des malfaiteurs. Mais, il faudra aussi limiter les pouvoirs et prérogatives de l’ETAT, éliminer l’esprit et toute tentative de prolongation de mandat présidentiel ou l’instauration d’une nouvelle monarchie aux Comores, version XXIe siècle, ce que j’appelle démocrazy. Pour retrouver nos rêves de jeunesse, pour mettre fin au désenchantement de cinquante (50) ans d’indépendance, prions ensemble, que nous puissions, un jour, aux Comores, asseoir la souveraineté du peuple, valoriser la liberté individuelle, assurer la neutralité de l’Etat à l’égard des opinions politiques, mais aussi à l’égard du pouvoir judiciaire et du pouvoir législatif.
Notre indépendance ne peut survivre que si elle est régulée par le droit, par l’éthique et par un minimum de coordination politique, financière et économique. Mais la peur du militaire ne peut suffire, et ce droit cosmopolite, qu’Emmanuel Kant appelait de ses vœux, n’a de sens que si les gens se sentent obligés par la règle du droit.
Si, ces conditions, sont bien remplies, alors, notre pays, notre indépendance nous apportera, pour les décennies à venir, grandeur, puissance et dignité.
En 2075 aussi, ce sera le centenaire de notre indépendance. Il y aura certainement la fête et la population célèbrera un siècle d’indépendance. Il y aura une nuit des chefs. L’homme qui arracha à la France l’indépendance le 6 juillet 1975 et qui le peya de sa vie, entrera dans notre Panthéon à nous : il y aura, cet après-midi-là, un chef, un Président qui s’attendrira sur la triste fin de nos chefs d’ETAT. Il dira, je crois l’entendre : « Ahmed ABDALLAH, ALI Soilihe, Mohamed Taki Abdoul-karime, Said Mohamed Djohar, Tadjiddine BEN Massound, vous accueillir tous à la place de l’Indépendance, est un acte de réparation. » Ce sera juste le clou du centenaire.
Djaffar MMADI , Professeur Université, Ancien Ministre
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